Les cris des bonobos, ces proches cousins du chimpanzé, semblent s’assembler pour former des phrases, un des éléments fondamentaux de notre langage qui pourrait donc être plus ancien qu’on ne le croyait.
Lorsqu’on parle de « langage », on ne parle pas que de mots: il y a longtemps qu’on observe que plusieurs animaux produisent des sons qui ont une signification précise — donc, des mots — et il arrive que, dans certains cas, des mot soient combinés — ce qui est la définition d’une syntaxe.
Mais pour en arriver à une phrase, c’est plus compliqué. Dans la définition qu’en donnent les linguistes, une phrase est non seulement un assemblage de mots, mais la syntaxe fait en sorte qu’un même mot peut avoir une signification différente, tout dépendant de son contexte.
C’est encore plus compliqué quand on réalise que, chez les chimpanzés par exemple, il y a longtemps qu’on a observé qu’un cri d’alerte pour signaler la présence d’un serpent peut prendre des formes différentes —, mais l’alerte reste pourtant la même. Les chercheurs parlent alors de compositions « triviales », en ce sens qu’elles n’ont pas de signification particulière.
Une équipe dirigée par Mélissa Berthet, du département d’anthropologie de l’évolution à l’Université de Zurich, en Suisse, a voulu vérifier s’il y avait des combinaisons possédant une réelle signification. Les chercheurs ont passé cinq mois à observer — et écouter — une trentaine de bonobos dans leur état naturel. Ils ont en tout enregistré un millier d’instances où un des bonobos lançait un cri à l’intention d’un autre — ou des autres. De ce nombre, environ la moitié étaient des combinaisons d’au moins deux types différents « d’appels » mis bout à bout.
S’agit-il de phrases complètes? Pour le savoir, il fallait associer ces combinaisons à un événement particulier: une alerte, ou bien ce que le bonobo faisait à ce moment, ou bien l’endroit où il se trouvait. Les chercheurs en concluent que dans trois de ces « combinaisons » sur quatre, il y a bel et bien une signification différente, en fonction du contexte. Par exemple, lorsque combinés, les appels « écoutez-moi » et « je suis excité » prennent alors pour nouvelle signification « écoutez-moi parce que j’ai besoin d’aide ».
Leur étude, qui est parue le 3 avril dans la revue Science, pourrait signifier une réorientation de la façon dont les spécialistes du langage analysent le langage de nos proches cousins: ces conclusions ne signifient pas que les bonobos ont un langage au sens où on l’entend chez les humains, mais ils ont au moins une forme de communication assez complexe pour qu’on essaie de comprendre jusqu’à quel point elle se compare avec la nôtre.