À environ un mois de la 29e édition de la Rencontre théâtre ados, la nouvelle directrice artistique et générale de l’événement, Nathalie Cauwet, est tout sourire. Pourtant, l’ampleur de la tâche pourrait inquiéter. Pas du tout, affirme-t-elle. Rencontre.

Le défi semble triple: d’abord, rejoindre les adolescents par le théâtre, eux que l’on aime bien dépeindre comme étant accros à leur téléphone – comme la génération de ce journaliste était décrite comme étant accro à ICQ ou au Super Nintendo, dans le temps –; ensuite, reprendre les rènes d’un événement des mains de sa fondatrice, après quasiment 30, et enfin, vendre la culture alors que celle-ci est fragilisée, sur fond de virage à droite un peu partout.
En entrevue vidéo avec Pieuvre, Mme Cauwet est formelle: la transition s’est « très bien passée ».
« La directrice sortante, Sylvie Lessard, qui est également la fondatrice du festival, a pris le temps de m’accueillir correctement. Je vous dirais que c’est une très bonne chose que je faisais déjà partie du milieu culturel, depuis 17 ans, sinon, cela aurait été très compliqué, c’est un gros bateau, la RTA! », ajoute-t-elle, avant de préciser que « l’événement est celui qui ressemble le plus à ses anciennes activités, comme diffuseur ».
« Je vais me retrouver en terrain très, très connu; j’ai très hâte! C’est à ce moment que l’on ira à la rencontre de notre public. »
Nathalie Cauwet confie d’ailleurs, en riant, qu’elle n’est pas nerveuse, à environ un mois de cette 29e édition de l’événement. Son secret? « Je m’entoure des bonnes personnes. Et je prévois. Je suis quelqu’un qui travaille à l’avance, qui essaye d’imaginer tous les scénarios possibles, et le reste de l’équipe est également comme ça, alors nous sommes déjà presque entièrement préparés, à un mois du festival », dit-elle.

Réagir au chaos
Devant la déferlante de nouvelles provenant non seulement de chez le voisin américain, mais aussi de l’ensemble du monde, on peut se demander comment il est possible de trouver des thématiques adaptées au goût du jour, mais aussi s’articulant autour des thèmes qui touchent directement les adolescents (et leurs parents). D’autant plus qu’entre l’écriture d’une pièce et sa première sur les planches, il peut s’écouler plusieurs années.
« C’est certain que le théâtre n’est pas collé sur l’actualité », indique Nathalie Cauwet.
« Par contre, on choisit des pièces qui vont parler de valeurs et de tendances sociétales profondes. En plus, nous, ce qui nous intéresse spécifiquement, ce sont des oeuvres destinées aux adolescents. Et donc, on a accès à énormément de littérature et énormément d’expérience, en tant qu’humanité, par rapport à l’adolescence, alors on connaît quand même déjà très bien ce qui se passe. »
La directrice artistique de la RTA reconnaît toutefois qu’«il est nécessaire d’être à la page de ce que vivent nos adolescents». Et donc, dit-elle, certains thèmes reviennent depuis quelques années.
« De plus en plus, on va parler d’écoanxiété, d’anxiété de performance. C’est ce genre de choses qui vont toucher nos adolescents, actuellement », poursuit Mme Cauwet.
« Bien sûr, les adolescents sont au fait de ce qui se passe avec Trump; on a beau dire qu’ils sont bien trop souvent sur leurs écrans, il y a aussi ce pendant-là, qui est le fait qu’ils sont très informés. »
« Par ailleurs, dit-elle, nous souhaitons également être un lieu d’accueil, pour que les adolescents se sentent les bienvenus, qu’ils sachent qu’ils peuvent s’exprimer. Alors, oui, on a des spectacles qu’on leur propose, mais on a aussi des volets où on fait interagir trois groupes de jeunes avec des metteurs en scène; ces jeunes-là ont la capacité de s’exprimer sur des enjeux actuels, puisqu’ils ont 24 heures pour créer une pièce et dire ce qu’ils ont envie de dire. »
Prendre soin les uns des autres
Comme si l’actualité politique américaine ne suffisait pas, le manque de financement gouvernemental de la culture québécoise fait mal, dans l’industrie, y compris au sein de la RTA. Selon Mme Cauwet, s’il serait bien entendu fort apprécié que le gouvernement Legault délie les cordons de la bourse, en attendant l’illumination, il importe de « prendre soin des gens ».
« On prend soin les uns des autres, au sein de l’équipe, mais aussi entre collègues, entre confrères. Le milieu culturel est un milieu qui prend soin de ses gens, de ses humains. Et c’est un milieu qui est habile, agile… La culture a déjà eu un genou à terre, à plusieurs reprises, mais elle s’est relevée à chaque fois. », ajoute-t-elle.
«Les humains sont fatigués, c’est clair, mais ils sont encore passionnés.»
-Nathalie Cauwet, directrice artistique et générale de la Rencontre théâtre ados
Toujours selon Mme Cauwet, il existe « un espace de liberté où nous pouvons nous exprimer, entre nous ».
Mais libre expression ou pas « il faut préparer l’avenir; il faudra se montrer agiles », dit-elle. « Et trouver d’autres solutions. »
En attendant cet avenir, qui concerna les artistes, mais aussi les jeunes, qui sont déjà consommateurs de culture, la RTA propose 9 spectacles, tous présentés à Laval, entre le 31 mars et le 15 avril. De quoi découvrir des oeuvres colorées, bigarrées, qui permettront, à coup sûr, aux jeunes de se retrouver dans la peau de ces divers personnages qui sont confrontés, eux aussi, à une bien drôle d’époque.