Notre civilisation est appelée à disparaître; voilà, du moins, l’idée que met de l’avant Créatures, une « expérience » théâtrale venant tout juste de débarquer sur les planches d’Espace Go. Et à travers cette lente désintégration, un groupe de femmes tentera de s’organiser. Voire de survivre. Peut-être.
Tout commence avec le décor, qui est une vaste construction mêlant allure industrielle et bâtiment fait de bric et de broc, un peu comme si l’on avait assemblé une gigantesque cabane dans un arbre, ou plutôt sur un site partiellement inondé.
Car oui, le décor est (partiellement) sous l’eau. L’eau comme source de vie, certes, mais aussi l’eau comme résultat potentiel d’une catastrophe climatique, d’un dysfonctionnement majeur des infrastructures. Bref, l’eau est autant promesse de survie qu’un risque mortel.
Et dans cet enchevêtrement de poutres et de planches, tout juste au-dessus de la masse sombre et liquide, on trouve nos personnages. Une fillette, des adolescentes, des femmes. Toutes des interprètes féminines, qui semblent former un genre de collectif, une équipe dont les coutures tiennent parfois par la peur, avec certaines tensions inhérentes, mais aussi une volonté manifeste de se serrer les coudes, de faire front commun devant ce qui pourrait bien être la fin du monde.
Avec une mise en scène d’Anne-Marie Ouellet, Créatures est… On ne sait trop ce qu’est ce spectacle, en fait. Car si l’aspect visuel de la chose est intéressant, non seulement avec ce décor quasiment titanesque, mais aussi avec une savante utilisation des éclairages, par exemple, ou encore des bruitages, la substance même de l’oeuvre, ses dialogues, laissent pantois.
On sera bien en peine, effectivement, de trouver un fil conducteur à ces 80 minutes et des poussières où l’action semble découpée en saynètes disparates. Pourquoi évoque-t-on, semble-t-il, la disparition d’un personnage, un instant, avant que celui-ci demeure sur scène, l’instant d’après? Pourquoi ces si longs silences, voire ces moments où la scène entière est plongée dans le noir, sans bruits ni mouvements? Pourquoi a-t-il été nécessaire d’aller lire des textes explicatifs en ligne, notamment sur le site d’Espace Go, mais aussi dans les pages du Devoir, dans le cadre d’un prépapier sur ce spectacle, pour commencer enfin à comprendre la démarche artistique sous-tendant la chose?
Peut-être que ce journaliste est vieux, blasé, fatigué, ou un mélange des trois. Et ce n’est certainement pas comme s’il était impensable d’injecter une bonne dose d’abstraction, dans une oeuvre, et de réussir à s’y retrouver, malgré tout. Mais Créatures donne l’impression que l’on a créé un décor, sans nécessairement penser à la façon dont on allait l’occuper, notamment sous la forme de dialogues minimalement reliés entre eux.
Constellée de moments fort bien choisis et interprétés, Créatures est une oeuvre plombée par un certain laisser-aller, un flou artistique, certes, mais surtout, ultimement, passablement ennuyant. C’est bien dommage…
Créatures, mise en scène d’Anne-Marie Ouellet; avec Rasili Botz, Marie-Ève Fontaine, Nadia Gagné, Jasmine Guilbault, Lican-Marie Leduc, Jane Mappin, Sophie McPhail-Guay, Charlotte Richer, Camille Schryburt-Cellard, Inès Sinou et Jeanne Sinou
À Espace Go, jusqu’22 mars