Ce ne sont pas seulement certains internautes, provenant parfois de coins sombres du web, qui ne semblent pas aimer les femmes au grand écran. Selon une nouvelle analyse linguistique, les longs-métrages dont la distribution est majoritairement féminine se méritent ainsi bien plus de commentaires sexistes de la part des critiques professionnels.
Ces travaux, réalisés par Jad Doughman et Wael Khreich, de l’Université américaine de Beyrouth, au Liban, sont publiés dans PLOS One.
De précédentes études ont démontré que les critiques négatives peuvent affecter le revenu des acteurs, leur plan de carrière, ainsi que leur santé mentale, tout en influençant le milieu médiatique dans un sens plus large.
Cependant, les études portant sur le biais genré dans les critiques cinématographiques se sont traditionnellement appuyées sur les cotes ou les nombres du box-office, sans tenir compte des mots employés par les journalistes culturels, affirme-t-on.
Pour combler ce manque, M. Doughman et ses collègues ont passé au peigne fin une base de données intitulée Movie Review Data, qui contient les transcriptions de 17 165 films, combinant le tout à des métadonnées de l’Open Movie Database à propos des principaux acteurs, scénaristes et réalisateurs de ces films.
Par la suite, les chercheurs se sont tournés vers un système de détection de biais genré basé sur l’IA, qui a déjà fait ses preuves, dit-on, pour détecter de tels biais dans les critiques.
L’analyse cherchait à établir une différence entre les formes déjà connues de biais genré, comme le sexisme « bienveillant », qui renforce les stéréotypes d’hommes dominants et de femmes ayant besoin d’aide, et le sexisme « hostile », qui est exprimé de façon négative et agressive.
Les femmes systématiquement affectées
En moyenne, il appert que les critiques liées à des distributions majoritairement féminines contiennent 149% plus de sexisme hostile, et 44% plus de sexisme bienveillant, comparativement aux critiques de films à la distribution majoritairement masculine.
C’est du côté des films familiaux et musicaux que l’on trouverait le plus de sexisme bienveillant, tandis que le sexisme hostile se retrouverait davantage dans les films romantiques.
Et comparativement à leurs homologues masculins, les actrices principales, les réalisatrices et les scénaristes sont toutes davantage visées par du sexisme, qu’il soit bienveillant ou hostile.
L’analyse a aussi révélé que l’industrie du cinéma souffre d’un problème d’égalité des sexes: 72% des acteurs principaux, 91% des réalisateurs et 86% des principaux scénaristes cités dans la base de données examinée sont des hommes.
Au dire des chercheurs, il semble donc que les critiques cinématographiques pourraient juger un film de façon différente, en fonction du genre des personnes impliquées.
Ces mêmes critiques, affirment les auteurs de l’étude, devraient plutôt oeuvrer pour promouvoir une industrie du cinéma plus équitable et objective.
Les chercheurs sont aussi conscients d’avoir concentré leurs efforts sur les films occidentaux, et d’avoir utilisé un système cherchant à déterminer le genre d’une personne en s’appuyant sur son nom, ce qui ne reconnaît pas les identités non binaires, entre autres groupes.
De l’avis des auteurs de l’étude, « ces biais systémiques viennent créer d’importants obstacles à l’avancement des femmes dans l’industrie cinématographique, ce qui nuit autant à leurs revenus qu’à leur bien-être ».