Elle s’appelle Marie. Ou, plutôt, elles s’appellent Marie. Toutes différentes, toutes pareilles. Sur les planches d’Espace GO, Marie-Laurence Rancourt fait vivre une multitude, une pléthore de gens à la recherche de leur identité propre, dans Une vie de femme.
Une vie de femme, oui: l’expression englobe à la fois tout et rien. Qu’est-ce que la vie d’une femme? Cette existence est-elle autonome, ou dictée par des facteurs externes, par la pression et les conventions d’une société qui va à la fois la mettre sur un piédestal et tenter de la faire tomber?
Placée devant cette contradiction fondamentale, notre Marie (ou nos Marie, allez savoir), prendra la décision de disparaître; de se fondre, en quelque sorte, dans cette personnalité à la fois unique et universelle, laissant derrière elle une série d’impressions diffuses.
Ces impressions, ces facettes de l’existence des Marie(s), l’autrice et metteure en scène les présente sous forme de saynètes, des séquences parfois humoristiques, parfois plus sérieuses, parfois carrément dramatiques. De cette Marie qui décide de se réinventer dans un jeu vidéo massivement multijoueurs, à cette autre Marie qui vit avec une autre femme portant le même nom, ces deux personnes étant en fait autant de facettes d’une même personne, Une vie de femme virevolte, s’élance, s’effondre, se relève…
Clairement, la question de l’identité, de l’accomplissement personnel est au coeur de chacun de ces moments grapillés ici et là. Une identité, une liberté qui ne sont jamais entièrement complètes. Comme ce moment dans un MMORPG, justement, où l’on indique à Marie, une nouvelle arrivée, qu’elle peut devenir n’importe qui… à condition de changer son nom, de porter certains vêtements spécifiques et de s’en tenir à un rôle prédéterminé.
Comme l’indique la description de la pièce, les « Marie ont une envie furieuse d’exister, de changer de vie, de ne plus être invisibles aux autres ou seulement de passage dans leur propre vie ». Difficile d’affirmer le contraire.
Il n’en reste pas moins, cependant, que le ton est parfois quelque peu inégal. On cherche, sans jamais vraiment le trouver, un véritable fil conducteur, une trame narrative centrale qui permettrait d’unir toutes ces vignettes, tous ces moments temporaires, ces instants qui disparaîtront bientôt. Une grande théorie unificatrice, peut-être.
Intrigante, étonnante, orginale, qui viendra même désarçonner les spectateurs à plus d’une reprise, Une vie de femme est une oeuvre tout à fait pertinente en cette époque de réalités multiples imputables au télescopage du numérique et du physique. Il ne lui manque, peut-être, que ce point focal, ce centre autour duquel trouver refuge. Peut-être a-t-il disparu, lui aussi. Comme Marie.
Une vie de femme, texte et mise en scène de Marie-Laurence Rancourt
Avec Annick Bergeron, Larissa Corriveau, Martine Francke, Maxim Gaudette et Roger La Rue
Jusqu’au 8 février, à Espace GO