Il y a eu le film, sorti au début des années 2000; il y a eu la pièce de théâtre tirée du long-métrage, jouée en 2023 à Montréal, puis à Québec; il y a maintenant le livre. Plus de 20 ans après sa première apparition dans l’univers culturel québécois, Gaz Bar Blues a désormais droit à la version littéraire du texte de la pièce adaptée de l’oeuvre de Louis Bélanger.
Nous sommes en 1989, et les temps changent. Pour François Brochu, le patron d’une station-service de quartier, le genre d’endroit où l’on vient flâner en fumant une cigarette, ou encore en éclusant une bière, l’avenir est sombre. Non seulement parce que les stations en libre-service commencent à gruger ses bien maigres profits, mais aussi parce qu’il est atteint du Parkinson.
Pire encore, parmi ses trois enfants, personne ne semble vraiment vouloir reprendre le commerce familial. Pas même sa fille, pourtant passionnée de mécanique, et envers qui il est inutilement protecteur, refusant bien souvent qu’elle plonge les mains dans le cambouis.
Dans cette oeuvre sur le passage du temps et l’inéluctabilité des choses, nos personnages, tous issus d’un milieu modeste, tentent de surmonter les vagues de l’histoire. Celles de la modernité économique, oui, mais aussi celles de l’émancipation, avec ce fils délaissant son travail pour jouer de la musique, et l’autre qui part à Berlin, tout de suite après la chute du Mur, et qui sera rapidement désillusionné par ce qui devait être une réconciliation historique entre l’Allemagne de l’Ouest et celle de l’Est.
Gaz Bar Blues n’est cependant pas une ode à une époque révolue. Peut-être, en forçant un peu, mais il est clair que même au moment où se déroule la pièce, le concept de la station-service comme lieu de rassemblement a fait son temps depuis belle lurette. Non, il s’agit probablement davantage d’un regard doux-amer sur des gens très humains qui font le mieux en vertu des circonstances. Pas des héros, pas des zéros, mais des gens ordinaires.
Gaz Bar Blues, version littéraire de Louis Bélanger et David Laurin
Publié aux éditions Hamac Théâtre, 158 pages