Peut-on attribuer une hausse des décès chez les bébés à une hausse de l’usage des insecticides dans les champs ? C’est l’association que fait, non pas un biologiste ou un médecin, mais un économiste, dans la revue Science.
L’usage accru d’insecticides par les fermiers aux États-Unis est survenu en raison du déclin des chauves-souris. Ces grandes mangeuses d’insectes sont victimes, depuis les années 2000, d’une maladie souvent appelée le « syndrome du museau blanc ». Le phénomène a été observé pour la première fois en 2006 dans l’État de New York.
La maladie, causée par un champignon, conduit à réveiller prématurément les chauves-souris pendant leur hibernation; le manque de nourriture disponible dans cette période de l’année a entraîné une baisse massive de certaines de leurs populations. La maladie a affecté 11 des 50 espèces de chauves-souris présentes aux États-Unis, et chez celles affectées, la réduction de population a été en moyenne de 70%.
Au point où, dans les comtés des États-Unis où la maladie était présente, les fermiers confrontés à une baisse de leurs revenus à cause du plus grand nombre d’insectes, ont dû augmenter en moyenne de 31% l’usage d’insecticides, a calculé l’économiste de l’environnement Eyal Frank, de l’Université de Chicago. Ailleurs, l’usage d’insecticides est resté constant.
C’est ce qui lui a donné une base de comparaison, entre les régions « avec » ou « sans » usage accru d’insecticides, de 2006 à 2017 — soit la plus récente année pour laquelle il disposait de données de recensement sur les chauves-souris. L’économiste conclut à un excès de mortalité chez les enfants de moins d’un an, qu’il évalue à un peu plus de 1300 décès dans les comtés affectés. Ce qui représente chez ces derniers une augmentation moyenne de 8% de la mortalité infantile.
Il reste néanmoins difficile de prouver le lien de cause à effet, comme le fait remarquer l’expert néerlandais en épidémiologie de l’environnement Roel Vermeulen: le déclin des chauves-souris ayant entraîné une baisse des revenus des agriculteurs, ce dernier facteur pourrait aussi être pointé du doigt pour une hausse de la mortalité infantile.