Qui n’a jamais entendu parler de You’ve Got Mail? Réalisé et coscénarisé par Nora Ephron (Sleepless in Seattle, When Harry Met Sally, etc.), cette comédie romantique passablement kitsch sur les bords a immortalisé à la fois une certaine conception de la technologie, mais aussi des rencontres amoureuses… En plus d’évoquer des thèmes étrangement toujours autant d’actualité.
D’abord, le placement de produit(s) : oui, le film raconte l’histoire de l’éventuelle idylle entre Joe Fox (Tom Hank, égal à lui-même), patron d’une chaîne de librairies à grande surface (pensez Barnes & Noble, à l’époque), qui semble se réjouir d’avaler peu à peu les petits détaillants indépendants, à New York comme ailleurs, et Kathleen Kelly (Meg Ryan, hélas sous-utilisée), propriétaire d’une petite librairie pour enfants située à quelques pas de la future prochaine succursale de Fox Books, mais le titre de l’oeuvre – et son principe fondamental – est un clin d’oeil à America On Line (AOL), le fournisseur d’accès internet alors au faîte de sa gloire.
Tout est là pour vanter l’ubiquité de l’entreprise : l’écran de connexion vers le service de navigation en ligne, les différentes étapes du branchement (avec la numérotation du modem, s’il vous plaît!), et puis, le fait que l’intrigue, soit les messages longtemps anonymes échangés entre nos deux tourtereaux, passent par le service de courriel d’AOL. Comme si cela ne suffisait pas, le You’ve Got Mail! du titre est directement associé à quelque chose de positif, soit le fait de recevoir un message. De là à dire qu’AOL entraîne des développements positifs, il n’y a qu’un pas.
N’oublions pas, non plus, la grande place accordée à Starbucks, déjà une chaîne de taille conséquente aux États-Unis… Bref, la vie, dans ce film, se déroule dans des appartements cossus, en buvant du café sponsorisé, et en utilisant des ordinateurs portatifs Macintosh et une connexion à AOL.
Il n’y a rien de mal à cela, certes, mais le ton est donné; c’est le ton d’une histoire qui, pendant sa première moitié, s’intéresse pourtant à un fléau qui se poursuit aujourd’hui, soit celui de l’empiétement des géants de la vente au détail dans les espaces commerciaux traditionnels des villes. Si le grand méchant était autrefois Barnes & Noble et d’autres grands noms du genre, aujourd’hui, ces mêmes envahisseurs ont été mis à mal par un certain géant de la vente en ligne, qui a justement fait ses premières armes avec la vente de livres…
Après la fermeture forcée de la petite librairie, en raison de l’énorme pression exercée par le nouveau voisin, le personnage féminin est, avec raison, très en colère contre le personnage masculin. Celui-ci tente bien de plutôt se lier d’amitié (d’autant plus qu’il sait que son interlocutrice et son ancienne concurrente sont la même personne), mais la question de la faillite forcée du personnage de Meg Ryan n’est jamais réglée.
Bien entendu, nous ne sommes pas dans un drame à saveur économique, mais la relation entre nos deux personnages s’articule à un point tel autour de cette opposition que de voir celle-ci carrément disparaître au cours du dernier tiers du film laisse un drôle de goût en bouche.
Et donc, est-ce que You’ve Got Mail est un bon film? Bien franchement, When Harry Met Sally, un autre film de Mme Ephron mettant aussi en vedette Meg Ryan, était mieux structuré, mieux joué et plus intéressant. Si ce n’est de ce genre d’instantané d’une époque révolue, You’ve Got Mail est passable, au mieux.
Abonnez-vous à notre infolettre tentaculaire
À l’occasion du mois de la francophonie, l’équipe de Pieuvre.ca tient à souligner son attachement à la qualité de la langue française. Voilà pourquoi nous utilisons quotidiennement Antidote pour réviser nos textes.