Des astronomes ont découvert un trou noir sortant de l’ordinaire. Avec une masse équivalente à 100 000 fois celle de notre Soleil, il est plus petit que les trous noirs découverts au centre des galaxies, mais plus grand que les trous noirs qui « naissent » lors de l’explosion d’étoiles. Cela en fait le seul trou noir de masse intermédiaire, un objet stellaire qui faisait l’objet de recherches depuis belle lurette par la communauté scientifique.
« Nous avons d’excellentes observations des trous noirs qui ont jusqu’à 100 fois la masse de notre étoile, et des trous noirs supermassifs, au centre des galaxies, qui ont des millions de masses solaires, mais il n’existe pas de mesures de trous noirs entre ces deux extrêmes. C’est un très vaste fossé », a indiqué l’un des principaux auteurs de l’étude, Anil Seth, professeur associé en astronomie à l’Université de l’Utah et coauteur d’une étude correspondante. « Cette découverte comble ce fossé. »
Le trou noir en question était caché dans l’amas stellaire B023-G078, situé dans la galaxie la plus proche de la nôtre, Andromède. Longtemps considéré comme un amas globulaire, les chercheurs affirment que B023-G078 est en fait un coeur d’amas dépouillé de ce qui l’entourait. Ces coeurs sont d’anciennes petites galaxies qui ont été absorbées par de plus grandes galaxies, et dont les étoiles périphériques ont été arrachées par les forces gravitationnelles. Il en reste un petit noyau dense qui orbite autour de la plus grande galaxie, et au centre de ce noyau, on trouve un trou noir.
« Nous avions précédemment trouvé de grands trous noirs avec des noyaux dégarnis massifs qui étaient beaucoup plus grands que B023-G078. Nous savions qu’il devait y avoir des trous noirs plus petits dans les noyaux de moins grande taille, mais nous n’avions jamais trouvé de preuves directes », indique un autre principal auteur des travaux, Renuka Pechetti, de l’Université John Moores à Liverpool. « Je crois que nous avons très clairement découvert l’un de ces objets. »
Les résultats des travaux ont été publiés dans The Astrophysical Journal.
Une intuition depuis une décennie
B023-G078 était connu comme étant un amas globulaire de grande taille, soit une collection sphérique d’étoiles étroitement restreintes par la gravité. Cependant, il n’y avait eu qu’une seule observation de l’objet qui a déterminé sa masse totale, soit environ 6,2 millions de masses solaires. Pendant plusieurs années, M. Seth estimait qu’il s’agissait d’autre chose.
« Je savais que B023-G078 était l’un des objets les plus massifs d’Andromède, et je pensais qu’il pourrait être un noyau stellaire. Mais nous avions besoin de données pour le prouver. Nous avons demandé, pendant plusieurs années, du temps d’observation sur divers télescopes, mais mes demandes ont toujours été rejetées », a poursuivi M. Seth. « Lorsque nous avons découvert un trou noir supermassif dans un noyau stellaire en 2014, nous avons eu l’occasion d’explorer cette idée. »
Avec leurs données découlant de ces observations, en plus d’images captées par le télescope spatial Hubble, MM. Pechetti et Seth, ainsi que leur équipe, ont calculé comment la masse était distribuée au sein de l’objet en modélisant son profil lumineux.
Un amas globulaire possède une signature lumineuse qui possède la même forme, près de son centre, que dans ses régions extérieures. Mais B023-G078 est différent. La lumière en son centre est ronde, puis s’aplatit vers les extrémités. La composition chimique des étoiles change, elle aussi, avec davantage d’éléments lourds dans les étoiles au centre, que dans celles près des extrémités de l’objet stellaire.
« Les amas stellaires globulaires se forment en gros au même moment. Par contraste, ces noyaux peuvent vivre des épisodes de formation répétés, où du gaz tombe vers le centre de la galaxie, et forme ensuite des étoiles. D’autres amas stellaires peuvent être attirés vers le centre par les forces gravitationnelles de la galaxie », a indiqué M. Steh. « C’est un peu le dépotoir pour toutes sortes de choses. Alors, les étoiles des noyaux décharnés seront plus complexes que dans des amas globulaires. Et c’est ce que nous avons vu dans B023-G078. »
Les chercheurs ont utilisé la distribution de la masse de l’objet pour prédire à quelle vitesse les étoiles devraient se déplacer au sein de l’amas, et ont comparé le tout à leurs données. Les étoiles les plus rapides orbitaient autour du centre; lorsque les scientifiques ont créé un modèle sans inclure de trou noir, ces étoiles centrales étaient trop lentes, comparativement à leurs observations. Lorsqu’ils ont ajouté le trou noir, ils ont obtenu des vitesses qui correspondaient aux données. Le trou noir vient ainsi ajouter aux preuves voulant que l’objet était bel et bien un noyau sans ses étoiles périphériques.
Les scientifiques espèrent observer d’autres noyaux sans leurs étoiles, afin de détecter d’autres trous noirs de masse intermédiaire. Selon eux, il s’agit d’une opportunité pour en apprendre davantage sur la population de trous noirs au centre de galaxies dont la masse est plus faible, et de mieux comprendre comment les galaxies sont créées à partir de « blocs de construction » plus petits.