Depuis vendredi, le Cinéma du Musée, bien installé dans les locaux du Musée des Beaux-Arts de Montréal, présente un trio de courts-métrages, d’environ 30 à 45 minutes chacun, qui explorent tour à tour des relations de couple ou filiales qui s’étiolent. Mises ensemble, ou même séparément, les trois oeuvres en disent beaucoup, même si elles sont contraintes par le temps.
Prenons, par exemple, le tout premier de ces courts-métrages, Mourir en vie, réalisé et en partie interprété par Benoît Brière, qui s’inspire du véritable récit d’un ancien pédiatre renommé, maintenant à l’orée de la mort, qui décide soudainement d’en finir, un 24 décembre au soir. Ledit médecin, joué ici par le fantastique Marcel Sabourin, consacre ses mois à péricliter lentement, tandis que Brière, qui joue son fils, tente tant bien que mal de l’accommoder, même si cela lui pèse.
Outre les échanges parfois franchement savoureux entre les deux hommes, il serait intéressant de se demander ce qui passe par la tête de M. Sabourin, lui qui a maintenant 86 ans, lorsqu’il doit interpréter un homme de 85 ans qui sent sa dernière heure arriver. Se met-il complètement à la place de son personnage? A-t-il lui-même peur de ce qui l’attend? Va-t-il penser, comme le médecin qu’il joue, recourir à l’option de l’aide médicale à mourir?
Un peu dans la même veine, celle des relations de pères âgés avec leurs enfants, La traversée, réalisé et mettant en vedette Marie-Ève Saint-Louis et Claude Laroche, s’intéresse surtout à tout le non-dit qu’il peut exister au sein d’une famille déchirée par… déchirée par quoi, au juste? Dans l’auto, un père attend sa fille qui rentre de Paris. Grognon, stressé, l’homme passe pratiquement tout le voyage de retour sans dire un mot, même s’il tentera, tant bien que mal, de tenir une conversation, ne serait-ce que pour donner le change.
Plus le film progresse, plus la tension est à couper au couteau. Que s’est-il vraiment passé, dans cette famille, pour qu’un père et sa fille arrivent à créer une atmosphère évoquant pratiquement les dernières minutes avant qu’un tueur sanguinaire ne s’en prenne à sa prochaine victime? Il est incroyable de constater à quel point un huis clos, renforcé par un silence pesant, peut faire des miracles en matière de développement scénaristique et dramatique. Un tour de force pour la jeune réalisatrice et actrice.
Enfin, ce qui pourrait possiblement être considéré comme un dessert, en quelque sorte, pour les cinéphiles qui assisteront à ce programme: un court-métrage de nul autre qu’Almodovar, et qui met en vedette Tilda Swinton.
Comment résister à l’incroyable talent de Mme Swinton? À son sens de la répartie? À sa capacité de jouer à peu près tous les personnages? La voilà ici dans la peau d’une amoureuse éplorée qui, sur le point de dire adieu à son doux et tendre, est prise d’une sorte de crise qui l’entraîne dans les profondeurs insoupçonnées de sa psyché.
Est-ce la faute du futur ex-amoureux, décrit comme un coureur de jupons? Ou faut-il plutôt blâmer Mme Swinton, dont la personnalité ne semble pas des plus stables? Quoi qu’il en soit, Almodovar s’amuse follement, notamment en jouant avec les conventions entourant les décors. Le voilà qui transforme son propre plateau… eh bien, en plateau dans un plateau, avec un « faux » décor qui finit par faire partir du paysage. Tout est jeu, tout est truqué, tout semble avoir deux, voire trois sens à la fois.
Pris séparément, ces trois courts-métrages sont la preuve qu’il est tout à fait possible d’accomplir de grandes choses en peu de temps; conjugués, ils démontrent que le beau, l’audacieux et le bon sont aussi l’apanage des programmateurs de salles indépendantes.
À voir!