Avec ces records de chaleur qui déclenchent des incendies qui déclenchent eux-mêmes d’autres incendies, serait -il temps de reconsidérer la proposition de passer à l’expression « urgence climatique »?
Près de 14 000 scientifiques ont signé une proposition en ce sens en 2020. Des médias comme le magazine de vulgarisation Scientific American ont intégré l’expression à leurs lignes éditoriales en alléguant, plus tôt cette année, que la définition même d’une « urgence » est « une situation grave qui nécessite une action immédiate ».
Cette semaine, un des chercheurs interrogés sur la vague de chaleur qui a provoqué des centaines de morts dans l’ouest américain et s’est étendue jusqu’au nord de la frontière canadienne, en a parlé comme « d’une des vagues de chaleur les plus extrêmes que nous ayons vues sur Terre depuis de nombreuses années, en terme de variation par rapport aux conditions habituelles ». Le phénomène, appelé « dôme de chaleur », n’est pas inhabituel en soi: mais sa puissance et sa durée le mettent dans une catégorie à part.
En plus de la petite ville de Lytton, Colombie-Britannique, qui a battu trois records de chaleur pendant trois jours d’affilée, avant d’être ravagée par un des incendies qui ont pris naissance dans la région, de nombreuses municipalités de Colombie-Britannique, d’Alberta et jusque dans les Territoires du Nord-Ouest, ont battu leurs propres records.
Ce qui ne devrait pas surprendre: d’une part, la température moyenne de la planète a gagné environ un degré Celsius depuis un siècle, il est donc inévitable que des records soient battus. D’autre part, la physique enseignait, bien avant la science des climats, que tout « système » possède ses seuils de transition, voire ses seuils de non-retour: il est donc inévitable que les systèmes climatiques de la Terre aient les leurs, c’est-à-dire des seuils au-delà desquels les changements s’ accélèrent, voire deviennent irréversibles.
Et il est important de rappeler aux sceptiques que dans les dernières décennies, les records de chaleur ont été systématiquement plus nombreux que les records de froid.
Enfin, pendant que le monde entier s’étonnait qu’un endroit au Canada puisse approcher les 49 degrés Celsius, il y a d’autres lieux sur la planète où la température, en été, approche ou dépasse chaque année les 50 degrés Celsius. La ville de Phalodi, en Inde, détient par exemple un record national de 51 degrés atteint en 2016, les villes de Jeddah, en Arabie Saoudite, et de Mexicali, au Mexique, ont atteint 52 degrés, l’aéroport d’Ahvaz, en Iran, et la ville de Basra, en Iraq, 54 degrés respectivement en 2016 et 2017, et la Vallée de la mort, en Californie, 54,4 degrés en août 2020.
Quant au seuil limite de survie du corps humain, il est situé à 35°C, avec 80 % d’humidité, soit une température ressentie de 53°C. Au-delà, notre corps ne peut survivre que quelques heures au soleil. Cette limite est définie par notre métabolisme : quand on a chaud, on transpire et l’évaporation de notre sueur permet de refroidir notre peau. Or, un taux d’humidité trop élevé empêche cette évaporation et notre corps ne peut plus évacuer la chaleur. En surchauffe, les organes défaillent, entrainant la mort. Le nombre potentiel de décès entraînés par ces canicules devient, du coup, un des arguments utilisés par ceux qui défendent la justesse de passer à l’expression « urgence climatique ».