Les films de guerre se suivent et se ressemblent. Et lancer un film de guerre le 4 juillet, jour de l’indépendance des États-Unis, laisse présager de la mise en marché d’un navet mettant en vedette des brutes aux muscles gonflés qui prennent un peu trop de plaisir à tirer sur des ennemis bien souvent d’une autre couleur de peau que la leur. Avec The Outpost, pourtant, le réalisateur Rod Lurie fait plus que mouche: il montre la vraie horreur de la guerre, non pas uniquement dans les balles qui siffles et les explosions, mais avec cette incompréhension entre les peuples qui garantit les bains de sang.
Adapté du roman The Outpost: An Untold Story of American Valor du journaliste américain Jake Tapper, qui raconte la bataille de Kamdesh, dans une vallée encaissée de l’Afghanistan, non loin du Pakistan voisin, The Outpost montre donc des soldats américains qui sont bien sûr souvent vulgaires, ou encore trop braves pour leur propre bien, mais qui sont surtout les pions sacrifiés dans un jeu d’échecs mortel qui perdure depuis des siècles.
Près de la ville de Kamdesh, au Nuristan, les Américains ont installé un avant-poste au fond d’une vallée entourée de très hautes montagnes. Si les soldats qui y sont postés sont censés établir des liens avec la population locale, favoriser le développement économique et social, et mener des missions de contre-insurrection ciblant les talibans, ils sont aussi régulièrement pris pour cibles par ces derniers, qui s’installent dans les hauteurs pour tirer sur les forces coalisées.
Si, de temps à autre, les troupes de l’Oncle Sam ont une bonne frousse, il arrive – un peu trop souvent, diront-ils –, que les balles talibanes trouvent leur cible, et que l’un des soldats américains rentre chez lui dans un cercueil, quand ce n’est pas en plusieurs morceaux, après avoir été victime d’un engin piégé.
À travers divers chapitres de l’occupation de l’avant-poste en question par des troupes d’un même groupe, qui attendent avec impatience la fermeture prévue de la base (les généraux ayant enfin compris qu’envoyer des soldats au casse-pipe n’était pas productif), The Outpost raconte une existence souvent monotone, la vie des soldats qui n’a pas beaucoup changé en quelques millénaires. Les gars s’insultent, se lancent des blagues, pensent aux épouses ou aux petites amies laissées loin derrière. Parfois, ils doivent défendre leur vie, souvent sans aucun avertissement.
Des explosions, mais aussi une réflexion
Depuis la fin de la Guerre du Vietnam, les films à saveur militaire cherchant à faire réfléchir se font rares, aux États-Unis. À Jarhead et à Three Kings, par exemple, qui s’intéressaient à la Guerre en Irak, ou encore à Generation Kill, qui portait aussi sur ce même conflit, mais cette fois au petit écran, il convient ici d’ajouter The Outpost. Le questionnement philosophique n’est peut-être pas aussi approfondi que dans Full Metal Jacket, par exemple, ou aussi psychédélique que dans Apocalypse Now, mais les hommes ordinaires du film de Rod Lurie sont clairement confrontés à une situation qui semble les dépasser, et à propos de laquelle ils ne peuvent rien faire.
Les Britanniques, puis les Soviétiques se sont cassé les dents en Afghanistan. L’URSS, d’ailleurs, a en partie été mise en déroute grâce au financement, par les États-Unis, d’un groupe de résistants emmenés par un certain Oussama ben Laden, qui se retournera ensuite contre Washington, avec les résultats que l’on sait.
Et quand l’enfer se déchaîne, quand les Américains doivent lutter pour simplement espérer demeurer en vie, le film donne un aperçu de l’horreur du conflit. On n’y meurt pas glorieusement, d’un côté comme de l’autre. On perd plutôt la vie parce qu’une balle nous fauche en pleine course, ou parce qu’un hélicoptère d’assaut fait soudainement exploser une roquette sous nos pieds. « Dieu merci, ils sont avec nous », lancera un capitaine venu en renforts vers la fin de la bataille, en découvrant le cratère encore fumant d’une puissante bombe larguée par un bombardier B1.
The Outpost fait réfléchir, et s’il verse un peu dans cette glorification du combat propre aux films de guerre patriotiques, il force aussi à prendre conscience du fait que ceux qui meurent dans des camps éloignés, encaissés dans des vallées perdues au fond de l’Afghanistan, ne sont pas beaucoup plus âgés que les jeunes fauchés par les mitrailleuses allemandes sur les plages de Normandie, ou encore les fantassins réduits en charpie dans le no man’s land, quelques décennies auparavant.