S’agit-il véritablement de théâtre? N’est-ce pas plutôt un manifeste, un cri du coeur, un appel à l’action? Home Dépôt: un musée du périssable, une oeuvre présentée à l’Espace libre, surprend, séduit et dérange.
On entre au théâtre comme on entre au CHSLD: en s’installant dans une salle d’attente. Chaises en plastique aux couleurs passées, infopubs en boucle à la télévision, épisodes surannés des Feux de l’Amour, tout y est pour donner l’impression que nous sommes à la fois dans l’antichambre d’une succursale de la Société de l’assurance automobile du Québec et d’un hôpital. Il y a même une distributrice de tickets numérotés à l’entrée, de même que des couvre-souliers élimés en plastique bleu.
L’oeuvre est autant une performance scénique qu’un appel à la contemplation. Dans la foule, des résidents d’un CHSLD du centre-ville de Montréal, qui ont accepté de raconter leurs histoires. Histoires qui sont ensuite reprises et étoffées par des artistes qui ont passé du temps avec les résidents en question, justement, pour apprendre à mieux les connaître, à transposer leurs regrets, leurs joies, leurs peines, leurs espoirs.
Devant cet étalage de vies parfois disparates, et surtout devant les tons souvent radicalement différents des interprètes, interprètes qui seront d’ailleurs appelés à se succéder au fil des représentations, on a parfois l’impression qu’Home Dépôt part légèrement dans tous les sens. Cela ne veut pas dire que le spectacle est mal ficelé, ou que sa présentation n’est pas à la hauteur des attentes. Cela veut plutôt dire que pour ceux qui ne connaissent pas la réalité des CHSLD, de ce qui est souvent un antichambre de la mort, le réveil est brutal. On y trouve des gens extraordinaires, des gens au parcours parfois rocambolesque, mais aussi des gens diminués, des gens qui tentent de conserver un peu de leur dignité d’autrefois. Entre quatre murs beiges, d’un beige indescriptible, nous dira-t-on, comment peut-on afficher ce qu’il nous reste d’humanité?
Spectacle à la fois intimiste et saisissant, Home Dépôt: un musée du périssable constitue un passage obligé pour voir les CHSLD sous un autre angle. Au-delà du deuxième bain, au-delà des aliments en purée de l’ex-ministre Barrette, on voit ici ces résidences pour ce qu’elles sont vraiment: des lieux où vivent des humains. Des humains parfois mis au rancard, pratiquement oubliés, tassés dans un coin, mais des humains malgré tout qu’il ferait bon ne pas laisser de côté.
Home Dépôt: un musée du périssable, jusqu’au 9 mars au Théâtre Espace Libre
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