Avec La chute de l’empire américain à l’affiche depuis le 28 juin, le cinéaste Denys Arcand tente-t-il de raviver la flamme de son classique, Le déclin de l’empire américain (1986) ou éteint-il la flamme de la statue de la Liberté?
La température terrestre a augmenté sous l’empire américain et ce sont les cinémas américains qui ont lancé une programmation estivale dans leurs salles climatisées pour la première fois, ainsi un empire est capable du meilleur comme du pire. Cette fois, Denys Arcand n’y va pas avec le dos de la cuillère, il projette la chute de l’empire actuel au moment où la canicule prend d’assaut la vallée du Saint-Laurent.
En guise de prologue, un docteur en philosophie explique à sa blonde que toutes les personnalités influentes qu’ils soient écrivains, politiciens ou philosophes sont des imbéciles, alors que les gens intelligents vivent dans l’anonymat. Elle, elle ne souhaite qu’il lui dise qu’il l’aime, tout simplement. Puis, le hasard va faire en sorte qu’une somme astronomique d’argent tombe dans les mains de quelqu’un d’intelligent. Après nous avoir raconté l’histoire d’un Jésus montréalais, Denys Arcand réécrit-il le conte de Robin des Bois qui vole aux riches pour donner aux pauvres au temps de l’évasion fiscale ?
Le film commence avec un hold-up, une enquête policière s’ensuit pour enfin y comprendre qu’une faction de la pègre voulait prendre plus de pouvoir, bref un scénario policier que l’on a vu mille fois dans les films américains. L’intérêt n’y est pas, il se situe plutôt dans la seconde histoire en parallèle. Ce docteur en philosophie, qui n’est pas sans rappeler l’étudiant en théologie joué par Alexis Martin dans la pièce et le film Matroni et moi (1999), incarne un type de despote éclairé. Pour l’aider dans son entreprise de blanchiment d’argent, il reçoit l’aide d’une escorte de luxe et d’un motard qui vient de sortir de prison.
Plus l’aventure avance, plus les deux acolytes deviennent bivalents. D’une part, ils ne sont qu’une roue dans l’engrenage de ce stratagème fiscal par leurs contacts et leurs connaissances; et d’autre part, ils sont familiers. Le motard ressemble à un oncle par le ton qu’il emploie en donnant des conseils au héros et l’escorte le persuade à apprivoiser l’argent comme sa mère l’avait fait avec elle, plus jeune.
La chute dans ce film est le passage d’une fiction américaine à une fiction canadienne: le suspense non pas de devenir riche par la possession d’un gros magot, mais de faire disparaître la matérialité de son avoir dans le système d’évasion fiscale pour en retirer des redevances. Denys Arcand emprunte une voie similaire à celle empruntée par Robert Morin avec Un paradis pour tous (2016), mais avec son angle sociologique.
Il n’y a ni futur, ni avenir, ni rêve américain dans ce film. Chacun veut sa part du destin. Il n’y a que l’engrenage puisque rien ne s’y perd, rien ne s’y crée, tout se transforme. Ainsi, l’empire n’a jamais autant brillé qu’à la veille de son déclin, de sorte que la petite organisation marginale passe par cette transformation capitaliste qui corrompt l’ensemble des individus pour mener à bien leur entreprise subversive.
Les adeptes de la cinématographie de Denys Arcand retrouveront les itinérants de Joyeux calvaire (1996) et retourneront aux sources avec Pierre Curzi dans le rôle du Machiavel du documentaire Le confort et l’indifférence (1981).
Après le déclin, la chute, à voir… canicule oblige.
En complément:
https://www.pieuvre.ca/2018/06/28/la-chute-de-lempire-americain-arcand-a-la-conquete-du-vrai-monde/