Le parfum d’une rose s’évapore au fil des longues années de vie. Tout comme l’odorat perd de son acuité en raison du vieillissement, la disparition du monde des odeurs se produirait avec le déclin de la mémoire.
La diminution significative de l’odorat pourrait d’ailleurs être un signe avant-coureur de la maladie d’Alzheimer chez les sujets à risque, soutient même une nouvelle étude québécoise. « On savait que c’était déjà un symptôme pré-moteur de la maladie de Parkinson, la diminution de l’olfaction aiderait à détecter l’Alzheimer avant les premiers signes», selon la doctorante à l’Université McGill, Marie-Elyse Lafaille-Magnan.
Les chercheurs ont mené un test d’odeurs auprès de 274 personnes âgées d’en moyenne 60 ans, et jugées à risque — c’est-à-dire celles dont un membre de la famille directe (parent, frère ou sœur) avait développé la maladie.
Ils ont demandé aux participants d’identifier l’odeur de mouffette et des parfums de fruits, soit en tout 40 odeurs. Mais en plus, les chercheurs ont voulu lier les résultats avec des biomarqueurs de la maladie.
C’est pourquoi 101 personnes ont donné, par ponction lombaire, un peu de leur liquide céphalorachidien — le liquide dans lequel baigne le cerveau et que l’on retrouve aussi entre les vertèbres du dos — afin d’y mesurer la concentration de protéines caractéristiques de l’Alzheimer.
C’est cette opération qui a permis aux chercheurs de démontrer une corrélation entre la perte de l’odorat et le biomarqueur de la maladie. Le liquide céphalorachidien « est un peu comme le système d’égout. Lorsque le taux de protéines s’avère anormal, c’est signe d’une mauvaise santé du cerveau », explique la jeune chercheuse.
L’alerte sera donnée lorsque ce liquide montre un fort taux de protéines TAU — signe que les neurones se meurent — et un faible taux de protéines amyloïdes — molécules qui soutiennent l’architecture des neurones.
Prendre la mesure de l’odorat s’avère toutefois plus facile comme dépistage que de prélever le liquide céphalorachidien. « Cela simplifie le suivi chez les personnes à risque, même s’il n’existe pas de standard de la perte d’olfaction », relève Marie-Elyse Lafaille-Magnan.
Rappelons qu’il n’existe pas de traitements efficaces contre la maladie d’Alzheimer — même si des médicaments réduisent certains symptômes. La détection précoce présente donc une piste pour tenter de diminuer la gravité de la maladie.
Intéressant, mais…
Une piste que la chercheuse au Centre d’excellence sur le vieillissement du CHU de Québec, Danielle Laurin, trouve intéressante: « Donc il y aurait possibilité d’intervenir plus précocement chez certaines personnes », si ces corrélations s’avèrent réelles, et pour autant que des traitements efficaces existent. « Ce qui n’est pas encore le cas », souligne-t-elle.
La chercheuse de l’Université Laval relève toutefois une autre limite majeure — et les chercheurs en parlent dans la publication : cette étude est transversale, ce qui veut dire qu’il « n’est pas possible de savoir si les marqueurs prédisent la maladie, ou si c’est la maladie qui affecte le niveau de ces marqueurs ».
Autre point à souligner: le fait que les sujets étaient volontaires — plus de femmes, plus scolarisées — lui semble problématique, car il pourrait entraîner un biais de sélection. Elle explique: « Les participants ont des raisons (de participer à l’étude) et donc, des facteurs de risque qui sont peut-être différents de la population générale. La généralisation des résultats à l’ensemble de la population est limitée. »