S’il faut en croire des simulations informatiques, l’émergence de la vie pourrait être un banal problème de physique: une question d’énergie.
C’est la théorie que défend depuis 2013 le biophysicien Jeremy England, du département de physique du MIT: l’apparition de la vie sur Terre — et, vraisemblablement, ailleurs dans le cosmos — serait le résultat de la façon dont des groupes d’atomes se « restructurent » pour brûler plus efficacement de l’énergie. Cette réorganisation serait orientée vers des structures de plus en plus complexes, incluant tôt ou tard des êtres vivants. Des simulations informatiques auxquelles a contribué England ont fait l’objet de deux articles scientifiques parus cet été.
Si ces simulations semblent appuyer sa théorie d’un lien entre énergie et « marche » des atomes vers la complexité, le bond vers l’émergence de structures vivantes relève, lui, de la pure spéculation. Et même cette marche vers la complexité n’est-elle pas inévitable : elle dépend de circonstances favorables, notent les deux études. Dans certains contextes, le système virtuel créé par les chercheurs évoluait vers un état d’équilibre — l’équivalent d’une tasse de café qui « évolue » vers la température de la pièce. Mais il arrivait aussi que leur système évolue vers quelque chose de cyclique, passant par des stades où les atomes présents tiraient le maximum d’énergie de leur environnement. C’est dans ces circonstances particulières qu’England voit un appui à sa théorie: une créature vivante serait, au final, la méthode la plus efficace qu’auraient trouvé les atomes pour tirer le maximum d’énergie de leur environnement, tant que cet environnement n’a pas atteint un état d’équilibre.
Une façon de faire franchir à cette théorie une étape de plus, commentent les experts, serait de remplacer les modèles choisis par England et son équipe — des interactions théoriques entre 25 types d’atomes différents — par un modèle tentant d’imiter les conditions chimiques qui régnaient sur Terre avant l’apparition de la vie.