Moins spectaculaires que ses décrets sur l’immigration, les attaques de Trump contre l’environnement n’en ont pas moins été nombreuses pendant ses 100 premiers jours. Et ce qui inquiète les environnementalistes, c’est que ça ne fait que commencer: un grand nombre de pions commencent tout doucement à avancer sur l’échiquier…
En campagne, il avait souvent attaqué les « ridicules règles environnementales » qui étaient selon lui une nuisance à l’emploi et à la croissance économique. Par voie de décrets présidentiels et de nominations à des postes-clefs, il s’est donc attaqué à certaines de ces règles. Dans certains cas, le geste est symbolique, dans d’autres, il est perçu, à tort ou à raison, comme le premier pas vers des changements susceptibles de faire des dégâts à l’échelle planétaire.
Parmi les gestes symboliques: le décret annulant les règles environnementales édictées sous Obama pour limiter la pollution des centrales au charbon. Le décret a toutes les chances de demeurer vide de sens: les emplois perdus dans le charbon l’ont été des décennies plus tôt, à cause de l’automatisation, et en 2017, les investisseurs américains ne sont plus intéressés par le charbon, parce que le gaz de schiste est plus rentable.
Mais d’autres gestes pourraient avoir une plus longue portée:
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la réautorisation par décret des pipelines Keystone et Dakota Access;
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une loi votée au Congrès à majorité républicaine, qui renverse le règlement de l’ère Obama visant à limiter les déversements de charbon dans les cours d’eau;
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une autre loi, en février, qui renverse la règle qui obligeait les compagnies pétrolières à dévoiler les paiements reçus de gouvernements étrangers;
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et surtout, la nomination du climatosceptique Scott Pruitt, à la tête de l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA). Pruitt dispose désormais de quatre années pour miner les normes de protection de l’air et de l’eau édictées pendant des décennies et pour éliminer des programmes qui ont fait leurs preuves, comme celui sur la protection des Grands Lacs.
En un sens, ironise le magazine Mother Jones, l’environnement est « le plus grand succès des 100 premiers jours de Trump ». Les décrets et les nominations ont d’ores et déjà créé une atmosphère délétère:
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les environnementalistes se sont désolés en mars de la démission d’un fonctionnaire de carrière de 24 ans, Mustafa Ali, directeur du bureau de l’EPA sur la justice environnementale;
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et si de nombreux échos de fonctionnaires désabusés sont parvenus aux oreilles des journalistes depuis novembre, aucun secteur n’a été plus véhément que l’environnement. Dans une lettre de démission abondamment citée à la fin-mars, le fonctionnaire Michael Cox, du bureau de Seattle de l’EPA, disait à son nouveau patron, Scott Pruitt: « J’ai travaillé sous six administrations avec des directeurs nommés par les deux partis. C’est la première fois que je vois un personnel se moquer et rejeter aussi ouvertement des politiques d’une administration, et par extension de vous… Le message que nous entendons est que cette administration travaille à démanteler l’EPA et son personnel aussi vite que possible. »
Un message qui se réverbère apparemment dans plusieurs ministères et agences:
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une demande de la Maison-Blanche circule actuellement, qui demande aux agences gouvernementales de dresser une liste des règlementations sur le climat qui pourraient être annulées;
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le fait d’avoir pour secrétaire d’État l’ex-PDG du géant pétrolier Exxon contribue à envoyer un message favorable à l’industrie;
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même le Pentagone pourrait devoir s’ajuster au fait que, à l’encontre de l’avis de son général qui sert de ministre de la Défense, les changements climatiques pourraient ne plus être décrétés « menace à la sécurité nationale »;
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et pendant ce temps au Congrès, le bien mal nommé « comité sur la science » de la Chambre des représentants a tenu au début de février des audiences visant à dénigrer tout à la fois la science du climat, et l’EPA.
À cette occasion, l’EPA a été accusée par le républicain Lamar Smith, du Texas, de « poursuivre un ordre du jour politique » en utilisant une « science discutable ». Et il y a quelques jours, on apprenait que la page « science du climat » était disparue du site de l’EPA — au moment même où des dizaines de milliers de personnes marchaient à Washington pour le climat.
Et les 100 prochains jours?
La suite?
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Le tout dernier décret signé par Trump vise à réviser d’ici la fin de l’été le statut particulier attribué aux parcs nationaux, ouvrant la porte à l’exploitation pétrolière ou minière à un jet de pierre de certaines merveilles de la nature. Certains observateurs prétendent que ce décret pourrait être annulé par les tribunaux.
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Tout n’est pas joué non plus du côté des coupures: dans la proposition de budget dévoilé dimanche par le Congrès, le coup de hache dans l’EPA, qui avait été annoncé en mars, n’apparaît plus, et le budget pour la restauration des Grands Lacs survit. Le moment de vérité est repoussé aux négociations pour le budget 2018, qui commenceront plus tard cette année.
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Mais parallèlement, depuis février, un projet de loi fait son chemin au Congrès, visant à limiter le type de recherches scientifiques sur lesquelles l’EPA — ou le gouvernement en général — pourrait s’appuyer pour légiférer.
Une autre suite possible? Le mois dernier, Exxon demandait officiellement au gouvernement américain de mettre en partie fin aux sanctions économiques contre la Russie. Il faut savoir qu’en 2014, Exxon avait presque ficelé avec le géant russe du pétrole, Rosneft, un partenariat majeur pour l’exploitation du pétrole de l’Arctique. Tout avait été bloqué lorsque la Russie avait envahi l’Ukraine et que des sanctions économiques lui étaient tombées dessus, mais ils sont nombreux à se demander si ce partenariat, qui pourrait représenter des centaines de milliards de dollars, n’est pas en train de voir les astres s’aligner en sa faveur.
Par contre, Trump n’a toujours pas annoncé s’il retirait les États-Unis de l’Accord de Paris sur le climat. Ces dernières semaines, les journalistes qui couvrent la Maison-Blanche ont noté que des réunions stratégiques avaient été repoussées à quelques reprises, ce qui témoignerait selon eux de luttes internes parmi les proches du président. Mais comme l’Accord de Paris n’a pas le pouvoir de sanctionner un pays qui ne se conformerait pas à ses cibles de réduction des gaz à effet de serre, que Washington y reste ou non, le message des 100 derniers jours est déjà clair.