Il traque, il tue, et il peut aussi vous faire épargner lorsque vient le temps de remplir votre déclaration d’impôts. Film à l’accueil plus que mitigé, The Accountant (Le comptable, au Québec) met en vedette un Ben Affleck prenant les traits d’un meurtrier implacable « profitant » de son état d’autiste hautement fonctionnel pour assurer la bonne marche des finances des grands criminels de ce monde, mais aussi pour protéger la veuve et l’orphelin, le cas échéant.
Recherché par le département américain des Finances (et, par la bande, également par le FBI et la police de New York), Affleck (M. Wolff, dans le film) se retrouve coincé dans une sombre histoire de manipulation de fonds destinée à gonfler artificiellement les profits d’une grande entreprise en vue d’une introduction en Bourse. Jusque là, il s’agit d’une simple question de fraude comptable, mais lorsque la jeune comptable de l’entreprise en question (Anna Kendrick) se retrouve, comme notre héros, dans la mire de tueurs à gages, le comptable-tueur voudra finir le travail et remonter la piste de la malversation, accumulant les cadavres au passage.
Mélange de drame et de film d’action, The Accountant rappellera, pour les amateurs de l’auteur de littérature fantastique et de science-fiction Dan Simmons, le personnage de Darwin Minor dans le livre L’épée de Darwin. Si M. Wolff est comptable et que M. Minor est consultant en accidents de la route pour le compte de compagnies d’assurance, les similarités sont malgré tout frappantes. Les deux hommes sont riches, discrets (un trait de personnalité expliqué par le diagnostic d’autisme dans le cas du personnage joué par Affleck), et amateurs d’armes de gros calibre. Et comme dans L’épée de Darwin, The Accountant prendra fin avec une fusillade tous azimuts.
Paradoxalement, le film adopte deux positions franchement distinctes lorsque vient le temps d’aborder la question de l’autisme. Si l’homme ayant brièvement accueilli et tenté d’aider un Christian Wolff alors qu’il était enfant offre un point de vue particulièrement intéressant quant à la nécessité d’aider les jeunes autistes plutôt que de tenter de les caser dans le cadre normalisateur des neurotypiques, le fait de présenter ce même Christian Wolff comme un génie des nombres aux habiletés tenant de Good Will Hunting ou de Beautiful Mind pue le cliché à plein nez. D’ailleurs, est-il nécessaire de souligner qu’on aura droit à une scène où il alignera les colonnes de chiffres sur des fenêtres?
Il serait aussi intéressant de voir Anna Kendrick jouer autre chose que les rôles auxquels on la cantonne depuis ses débuts, soit une jeune femme légèrement niaise que devra guider un mentor quelconque. Là, encore, la notion de dame en détresse a certainement fait son temps dans les productions hollywoodiennes.
Malgré tout, le développement d’une moralité ambiguë pour notre personnage principal est sans doute l’aspect le plus intéressant du film. Criminel de par sa collaboration avec les cartels et autres familles mafieuses, il contribue néanmoins, dans certains cas, à « faire le ménage » dans la racaille criminelle. Voilà une facette qu’on aurait aimé approfondir. Peut-être dans le cadre d’une suite disposant de plus de profondeur et démontrant plus de subtilité?