Les télévores l’attendaient avec impatience, cette troisième saison de la série d’anticipation Black Mirror. Avec cette nouvelle fournée de six épisodes, la création grinçante du tout aussi caustique Charlie Brooker tourne le couteau dans la plaie et propose des futurs pas si lointains où la technologie vire au cauchemar.
Avec un passage de la télévision britannique vers le géant américain Netflix, Black Mirror créait des attentes particulièrement élevées, et le résultat est à l’avenant; cette nouvelle saison reprend la formule des précédentes, soit des épisodes distincts, avec des scénarios et des personnages uniques, mais qui dépeignent tous un avenir proche où des innovations technologiques révèlent leur côté sombre. Au final, le résultat est souvent fort intéressant, même si certains épisodes s’appuient sur un scénario relativement mince.
Ce qui frappe tout d’abord, bien sûr, c’est ce premier épisode de la nouvelle saison, Nosedive, mettant en vedette Bryce Dallas Howard. La jeune femme, qui a entre autres joué dans le plus récent Jurassic Park, interprète ici Lacie Pound, une employée de bureau désireuse de s’installer dans un nouvel appartement réservé aux privilégiés. Il n’est pas seulement question d’argent, ici: dans ce monde, la réputation acquise sur les réseaux sociaux est primordiale. Plus une personne dispose d’une cote élevée (sur cinq étoiles), plus son standing est élevé.
Dystopie? On ne donnera pas trop de détails sur le scénario, histoire de ne pas gâcher le plaisir, mais il était impossible, à l’écoute de cet épisode, d’éprouver un malaise à l’idée que la société moderne hyperconnectée n’est pas si éloignée de cette réalité. Après tout, qui n’a pas envie d’accumuler les likes sur Facebook et Instagram? Le karma sur Reddit? Les petits crochets bleus sur Facebook et Twitter? Aujourd’hui, est-on quelqu’un si l’on n’existe pas sur les réseaux sociaux? Rappelons-nous cette histoire d’une supposée employée de Donald Trump dont l’existence même avait été remise en cause, puisque la personne en question n’avait, comme profil numérique, qu’une maigre page Facebook?
D’ailleurs, ce n’est ni la première, ni certainement la dernière fois que Brooker et ses amis de Black Mirror s’en prennent à l’omniprésence des réseaux sociaux. De fait, ce sujet s’impose comme un thème narratif omniprésent dans chacune des saisons de la télésérie, voire dans plusieurs épisodes de chacune d’entre elles.
Mais une fois le choc passé, une fois le malaise évacué, on se rend compte que certains épisodes évacuent un certain nombre de problèmes pour se concentrer sur ce qui pourrait perturber l’audimat. Une entreprise crée un univers virtuel où les mourants peuvent transférer leur conscience, leur accordant à toutes fins pratiques l’immortalité? Fort bien, mais quelles sont les règles de ce monde? Doit-on y travailler pour payer son séjour? Qu’en est-il du crime?
Dans un autre univers, des implants imposés aux soldats permettent de transformer la réalité. Mais chez les citoyens, le discours contre l’ennemi, affiché ici comme un monstre sanguinaire, passe un peu trop comme une lettre à la poste.
Bref, Black Mirror dérange, étonne, et suscite surtout des questionnements sur les interactions sociales, la mentalité de groupe et l’impact des technologies sur notre société et son fonctionnement. Malgré les quelques petits accrocs (il faut bien trouver quelque chose à y redire, non?), cette troisième fournée télévisuelle mérite amplement les compliments des amateurs du petit écran. Après tout, à quand remonte la dernière fois où une télésérie a fait plus que divertir?
À voir sur Netflix, donc. Et l’on attend justement avec impatience un futur épisode où tout le divertissement passe par une seule et même source, accessible à bas coût, certes, mais qui cache de sombres secrets…