Si le Canada a pour l’instant échappé aux tarifs « réciproques » imposés – puis largement suspendus pendant 90 jours – par le président américain Donald Trump, dans le cadre de son « Jour de la libération », les marchés demeurent frileux en raison de l’incertitude provoquée par Washington, affirme un spécialiste. Et cela vaut aussi pour les prix des logements et des maisons.
Aux yeux de Mitch Strohminger, directeur de l’analyse des marchés au sein du Groupe CoStar, les tarifs américains, d’abord annoncés contre le Canada et le Mexique en mars, puis contre le reste de la planète, ce mois-ci, « sont moins pires que ce que cela aurait pu être ».
« Je suis soulagé », reconnaît-il. Cependant, le fait qu’Ottawa échappe en partie à l’ire de l’imprévisible chef d’État ne règle pas tout: « Dans nos données, on constate déjà qu’il y a un véritable ralentissement de la location dans l’ensemble du secteur immobilier canadien, y compris à Montréal. »
Les prévisions de M. Strohminger, mises de l’avant lors d’une précédente entrevue accordée à Pieuvre, à la fin de février, semblent donc s’être en partie réalisées: les entreprises, refroidies par l’incertitude sur les marchés, ont ralenti leurs efforts d’expansion ou de location de bureaux et d’autres espaces commerciaux, comme des entrepôts, de ce côté-ci de la frontière.
Avec, à la clé de ce marasme, une possible hausse des prix des logements et des maisons.
« Cela prouve que tout ce que Trump dit génère beaucoup d’incertitude. Les entreprises ont donc largement décidé d’arrêter d’agir [sur les marchés]; c’est ce que l’on constate autant du côté des locations que des ventes », a encore déclaré M. Strohminger.
Ce ralentissement, qui se fait sentir non seulement dans l’immobilier, mais « sans doute aussi dans l’ensemble de l’économie », indique le spécialiste de chez CoStar, devrait se poursuivre à court terme. « Je ne sais pas combien de mois cela va durer, mais je crois qu’à long terme, les choses vont s’arranger, dès qu’il y aura un peu plus de certitude, notamment avec ce qui se passe chez les Américains », a-t-il encore déclaré, lors de cet entretien survenu avant la dégringolade majeure des indices boursiers, puis l’annonce de la suspension des tarifs, et la poursuite des turbulences sur les marchés.
Et Mitch Strohminger rappelle par ailleurs que le Canada est toujours sous le coup de tarifs douaniers américains touchant notamment l’aluminium, dont le Québec est l’un des principaux producteurs nationaux.
Incertitudes internationales, mais aussi locales
Ce flou concernant les tarifs douaniers, qui peuvent notamment affecter des produits entrant dans la construction de nouveaux logements, ou encore mener des entreprises d’ici à licencier des employés, employés qui ne seront alors plus en mesure de se loger convenablement, n’est pas le seul phénomène qui touche le marche immobilier et locatif canadien.
Comme le rappelle M. Strohminger, si nous sommes en élections, au pays, et que les grands partis se sont tous engagés à favoriser l’accès au logement, « cela fait des années que la crise du logement est dans l’actualité, et il y a toujours des problèmes ».
Selon moi, nous devons voir les partis vouloir réduire les entraves à la construction de logements abordables: ça coûte trop cher, il y a trop de réglementations, il y a trop d’impôts… Peut-être que c’est bon d’avoir un cadre pour certaines choses, mais si les normes sont trop sévères, cela entrave le développement.
-Mitch Strohminger, directeur de l’analyse des marchés au sein du Groupe CoStar
Ce spécialiste va même plus loin: « Le marché devrait être capable de créer l’offre [de logements et maisons neuves], en principe. Mais le fait que l’on ait des problèmes signifie que l’on a cassé le marché. »
Pour Mitch Strohminger, donc, le scrutin du 28 avril prochain doit être l’occasion de stabiliser les marchés, y compris en facilitant la multiplication des logements et les constructions neuves. Ces efforts devront aussi se poursuivre aux paliers provincial et municipal. En ce sens, le spécialiste de chez CoStar dit espérer que « les gagnants [des prochaines élections] vont mettre en place des conditions pour stimuler l’offre », car « c’est très difficile de construire des logements qui sont abordables ».