Il fut probablement l’un des architectes canadiens les plus influents d’après-guerre, mais sa carrière se termina dans la misère et la honte: dans le cadre de l’édition 2025 du Festival international de films sur l’art (FIFA), les amateurs de beaux bâtiments sont invités à découvrir ou redécouvrir la vie d’Arthur Erickson.
Réalisé par Danny Berish et Ryan Mah, Arthur Erickson: Beauty Between the Lines adopte la formule traditionnelle des documentaires projetés dans le cadre du festival, certes, avec ce ton toujours posé, ces images léchées et cette musique juste assez enveloppante pour accompagner le cinéphile, mais le propos parvient heureusement à sortir des sentiers battus.
Pourquoi? Tout d’abord parce que les amateurs de science-fiction, qu’il s’agisse de Stargate SG-1, ou encore de Battlestar Galactica, pour ne nommer que ces deux séries, ont déjà vu, peut-être sans le savoir, l’une des oeuvres phares de M. Erickson.
C’est effectivement entre les murs paradoxalement aussi brutalistes qu’ouverts et futuristes de l’Université Simon Fraser, en Colombie-Britannique, que furent tournées de nombreuses scènes se déroulant supposément dans un avenir lointain, ou sur d’autres planètes. Pourtant, nous sommes bien à Vancouver, sur le terrain d’un magnifique bâtiment construit dans les années 1960.
Audacieux, mais aussi réservé: voilà le style architectural d’Arthur Erickson, que ce soit pour ses bâtiments publics, ou encore ses résidences privées.
Et Erickson, lui, a vécu une vie en dents de scie, notamment en raison de son orientation sexuelle, encore très mal perçue, durant sa jeunesse. Pendant que ses relations personnelles partaient un peu à vau-l’eau, d’ailleurs, sa carrière a elle aussi pris du plomb dans l’aile. Ami de Pierre Trudeau lorsque celui-ci était premier ministre, il fut impliqué dans une affaire de présumé favoritisme pour construire la nouvelle ambassade canadienne à Washington.
Malgré ses grandes réalisations, d’ailleurs, la firme de l’architecte finit par faire faillite; quelle ironie du sort de savoir qu’Erickson a dû se rendre dans le palais de justice qu’il avait lui-même dessiné pour signer des papiers reconnaissant que sa carrière professionnelle était largement terminée…
Visionnaire, Arthur Erickson fait partie de ceux qui ont saisi la modernité à bras-le-corps, lors de la période tumultueuse des années 1960, 1970 et 1980. Plutôt que de construire de gros cubes gris déshumanisants, il a réussi à allier futurisme, solidité et audace.
Comme son nom l’indique, le documentaire Beauty Between the Lines lève le voile sur cette beauté, mais aussi cette fragilité qui se cache entre deux dessins, entre deux colonnes de béton, de bois ou d’acier. Une force à la fois imposante et tranquille, pour un homme qui symbolisait à la fois l’ambition et le fait de voler trop près du soleil…