Après avoir connu un certain succès avec son premier jeu, Fantasy General II (une suite au jeu classique de 1996), le studio autrichien Owned by gravity revient à la charge en ajoutant sa touche personnelle à la licence SpellForce de Grimlore Games, qui partage le même éditeur. Un exercice en demi-teinte, où forces et faiblesses se démarquent et menacent de vous tirailler.
Les amateurs de CRPG seront peut-être familiers avec la licence SpellForce : une trilogie mélangeant jeu de rôle et RTS avec un certain succès, tout en souffrant d’un manque de profondeur sur les deux fronts aux yeux de certains joueurs, à commencer par votre humble serviteur.
Conquest of Eo évite pour sa part le mélange des genres emblématiques de la série en prenant plutôt la forme d’un jeu de stratégie dans la lignée des 4X (Explore, Expand, Exploit, Exterminate). Il est tout de même le fruit d’un autre type de mélange : celui des influences, à mi-chemin entre Heroes of Might and Magic et Age of Wonders.
Les parallèles avec Heroes of Might and Magic sont particulièrement évidents : vous incarnez un magicien muni d’un livre de sorts qui se remplira au fil des apprentissages, mais ce héros ne s’implique jamais directement en dehors de passages scénarisés, sauf pour jeter ses sorts. Ce sont vos armées qui explorent la carte, récoltent des ressources et combattent vos ennemis dans un système au tour par tour.
Le système de combat est un peu simpliste au premier coup d’œil, d’autant que l’IA des ennemis est limitée et prévisible. Chaque unité dispose de points d’action à dépenser pendant votre tour pour se déplacer, attaquer, défendre ou utiliser quelques habiletés. Défendre est très efficace, mais il est impossible d’attaquer avec la même unité durant ce tour, ce qui encourage le recours à des unités spécialisées.
Particularité notable du système : les points d’action sont récupérés dès la fin de votre tour et seront utilisés automatiquement durant celui de l’adversaire pour contre-attaquer, ce qui pourrait vous en dépouiller complètement avant votre prochain tour. La bonne gestion des points d’action est donc cruciale à tout succès tactique, notamment dans le positionnement des unités, qui les dépensent pour se déplacer.
Les armées étant limitées à un petit nombre d’unités et la plupart d’entre elles tombant rapidement sous les coups, les combats sont brefs pour un jeu du genre. Cette décision des développeurs permet d’éviter les affrontements interminables, à l’exemple des sièges avec armées multiples d’Age of Wonders III, mais rend la formule plus prévisible et beaucoup plus répétitive. Le résultat manque d’envergure.
Heureusement, le choix d’une classe au début de la campagne permet de varier les plaisirs d’une partie à l’autre. Les trois options disponibles et la possibilité de mélanger leurs habiletés pour créer une classe personnalisée sont responsables d’offrir de la diversité tactique.
Le nécromancien mise sur de la chair à canon facilement renouvelable pour épuiser les forces de ses adversaires. L’alchimiste fait pencher la balance en fabriquant des potions aux effets éphémères, mais assez puissants pour assurer un triomphe impossible autrement. L’artificier, finalement, se spécialise dans la création d’artefacts offrant des bonus plus modestes que ceux des potions, mais permanents.
La magie vole la vedette au magicien
Il est regrettable que le personnage principal ne soit pas personnalisable au-delà de sa classe. Il n’a ni nom, ni visage, alors que ses rivaux et ses principaux lieutenants bénéficient d’une identité plus développée. Une porte ouverte à l’imaginaire du joueur, peut-être. Mais si telle est l’idée, le résultat n’est pas vraiment séduisant et prend plus des allures de vide.
Faute d’incarner un héros auquel on peut s’attacher, c’est la magie elle-même qui a de quoi séduire dans Conquest of Eo. Elle est la pierre angulaire du scénario, qui tourne autour d’un puissant « feu MacGuffin » jalousement gardé par un conclave de sorciers, mais c’est aussi l’élément technique le plus réussi du titre.
La magie s’utilise à toutes les sauces, de la conversion d’unités ennemies jusqu’à la congélation des lacs pour en permettre la traversée, en passant par la possibilité de déraciner la tour qui vous sert de base et de la faire voler dans les airs, le temps de l’envoyer se poser ailleurs pour exploiter de nouvelles ressources. La variété des options et l’impression de puissance (digne de Gandalf ou de Merlin) en font un des systèmes de magie les plus plaisants de l’industrie, rien de moins.
C’est justement lorsque le grimoire est bien rempli, quand la magie et le monde d’Eo n’ont plus trop de secrets à révéler et que la guerre remplace l’exploration, que le plaisir peut s’essouffler. L’expérience devient répétitive et perd de son charme en se concentrant sur des combats qui ne font tout simplement pas sa force.
Il y a lieu d’espérer des ajouts de contenu destiné aux dernières heures de jeu au cours des mois à venir. Owned by gravity a eu la bonne initiative de bonifier l’intelligence artificielle des magiciens ennemis peu après le lancement du jeu, mais il serait dommage de s’en arrêter là. Entretemps, les fins de parties sont un peu maigres et il est difficile de recommander SpellForce: Conquest of Eo aux amoureux de 4X, qui ont tendance à être exigeants. Si vous cherchez davantage à vous imaginer magicien, en revanche, vous y trouverez une belle opportunité.
7/10
SpellForce: Conquest of Eo
Développeur : Owned by gravity
Éditeur : THQ Nordic
Plateforme : Windows
Jeu disponible en anglais