Après les vaccins et l’autisme, le secrétaire américain à la Santé, Robert F. Kennedy Jr, semble vouloir s’intéresser aux chemtrails. Son département prévoit créer un groupe de travail dédié à « enquêter » sur « le contrôle de la météo », un mot-clé qui, dans l’imaginaire complotiste, en est venu à désigner la géoingénierie et les chemtrails.
Géoingénierie est, en réalité, un terme qui est employé depuis des décennies: il englobe une foule de technologies, la plupart hypothétiques (l’exception étant l’ensemencement des nuages, mais cette technique, après plus d’un demi-siècle d’essais, est toujours très loin de fournir des résultats probants).
C’est par-dessus tout un terme qui a émergé à l’époque dans le contexte de la lutte au réchauffement climatique: par exemple, une des idées serait de répandre des tonnes de dioxyde de soufre dans la haute atmosphère; une autre, de déverser des tonnes d’hydroxyde de magnésium dans l’eau; dans les deux cas, afin de retarder le réchauffement climatique, soit en réduisant la quantité de rayons du Soleil qui atteignent le sol, soit en absorbant une plus grande quantité de carbone dans l’eau.
Aucune expérience de ce genre n’a été tentée à grande échelle et le sujet est très controversé, notamment parmi les experts du climat et de l’atmosphère.
Sauf que depuis 2024, le terme a commencé à être découvert dans les milieux où on nie le réchauffement climatique: pour prétendre que « les gouvernements » mèneraient d’ores et déjà des expériences secrètes de contrôle du climat, à des fins qui, dans ces théories, ne sont jamais clairement expliquées.
Et parmi ces expériences secrètes, se situeraient les chemtrails: ce nom désigne une théorie selon laquelle les traînées blanches derrière les avions seraient des produits chimiques épandus à des fins mystérieuses. En réalité, il s’agit de banales traînées de condensation (le nom scientifique est contrails).
Autrement dit, le terme géoingénierie désigne une série de théories controversées invoquées depuis des décennies comme d’hypothétiques moyens de lutte contre le réchauffement climatique et qui impliquent des technologies dont la plupart n’existent pas encore. Mais des mouvements complotistes qui nient le réchauffement climatique voient la géoingénierie comme une technologie secrète employée pour modifier le climat.
Qui « contrôle » la météo? (Personne)
Le média KFF Health News, média américain à but non lucratif spécialisé en santé, a obtenu cette semaine un mémo du département de la Santé: on y fait état de la création imminente d’un « groupe de travail » qui aurait pour but de faire des recommandations au gouvernement sur le « contrôle de la météo ». Et on y cite deux interventions de Kennedy:
- l’une où, dans une entrevue radio en avril, il affirmait qu’une agence du ministère de la Défense, DARPA, menait des expériences secrètes « d’injections d’aérosols dans la stratosphère » et ajoutait « je vais faire tout ce qui est en mon pouvoir pour les arrêter »;
- l’autre où, en mars 2023, Kennedy avait accueilli dans sa balado le « militant des chemtrails » Dane Wigington, à qui il avait dit croire en cette théorie depuis des années.
KFF Health News a également rejoint un blogueur spécialisé en météo qui a participé à la rédaction du mémo, et qui confirme que l’agence a interviewé des candidats pour diriger un « groupe de travail chemtrails » (chemtrails taskforce).
Le mémo, daté du 14 juillet et envoyé au conseiller à la santé de la Maison-Blanche, évoque, sans fournir de preuves ni citer d’études, des concentrations élevées de métaux lourds, comme l’aluminium, dans l’atmosphère, le sol et l’eau, qui seraient causés par ces soi-disant épandages dans la stratosphère. Le document en parle comme des « toxines environnementales » ou des « neurotoxines » et rappelle les dommages au cerveau que la recherche médicale associe à l’aluminium.
« C’est un sujet qui est réellement important pour MAHA » (Make America Healthy Again), le mouvement chapeauté par Robert Kennedy, a reconnu le signataire du mémo, interrogé par KFF Health News.
Rappelons qu’en avril 2024, l’État du Tennessee avait été le premier à voter une « loi interdisant les chemtrails ». En juin dernier, l’État de Floride a voté une loi interdisant « la géoingénierie et les activités de modification du climat ». Le mot « chemtrail » n’apparaît pas dans la loi, mais avait été plusieurs fois employé par les élus qui ont défendu le projet de loi.
Le climatologue de l’Université de Californie Daniel Swain, qui a analysé le mémo, décrit comme « choquant » le fait que des « fonctionnaires fédéraux de haut niveau » présentent des fausses affirmations comme s’il s’agissait de faits, « sans fournir de preuves et en référant à des événements qui, non seulement ne se sont pas produits mais qui, dans plusieurs cas, sont physiquement impossibles ».