Voilà plus d’un siècle que l’on entend parler de la tragédie du Titanic. Il ne s’agit pourtant pas du pire naufrage de l’histoire, tant s’en faut, mais son côté romantique, sans compter son aspect « fin d’une époque », tout juste avant la Première Guerre mondiale, en font un symbole. Symbole que le Musée de la civilisation, à Québec, expose de fort belle façon jusqu’en mars prochain.
Que raconter de nouveau, en effet, sur ce bateau et ses passagers? Ici, le musée fait le pari de nous parler des passagers, notamment avec un grand nombre de photos et d’artefacts emportés par ces gens, issus de toutes les classes sociales, qui ont voyagé à bord du paquebot lors de son premier – et seul – voyage. Quelques-unes de ces pièces ont été conservées précieusement par les survivants. Pour les autres, il s’agit d’objets récupérés sur des corps, ou encore à la surface des eaux glaciales de l’Atlantique Nord, dans la foulée du naufrage.
Pour compléter le tout, nous avons aussi droit à un très grand nombre de maquettes, de plans, de photos… De la conception au sauvetage, en passant par la construction, les moments passés à bord avant la tragédie, ou encore les témoignages de rescapés, tout est réuni pour tracer le portrait d’une multitude d’existences, chacune importante à sa façon, et qui ont toutes été profondément chamboulées en avril 1912, quand elles n’ont pas carrément pris fin.
On appréciera aussi grandement les reconstitutions de cabines à bord du navire, la vaisselle et d’autres biens de tous les jours provenant soit du Titanic, soit de l’Olympic, par exemple, un navire identique opéré, lui aussi, par la White Star Line…

Mais ce qui impressionne le plus, c’est justement cette mise en contexte historique, sociale et économique. Car cette tragédie, à l’instar de celle du Hindenburg, qui surviendra une vingtaine d’années plus tard, représente en quelque sorte le point culminant d’une époque. En 1912, les masses gagnent l’Amérique par millions, certes, en voyageant à bord de gigantesques paquebots modernes, mais c’est aussi le début des croisières de plaisance, avec une classe aisée, voire ultrariche, qui peut se permettre un luxe quasi inimaginable, pour l’époque.
Imaginez: pour réserver l’une des cabines les plus luxueuses, à bord du Titanic, il en coûtait probablement plus de 150 000 $, en dollars de 2025. Qui pouvait se payer une telle dépense, si ce n’est les grands industriels et financiers du début du siècle dernier?
Combinez cela à un progrès technologique excessivement rapide – l’auto et l’avion commencent à peine à entrer dans les moeurs –, des avancées médicales majeures, la lente généralisation de l’eau courante et de l’électricité, ainsi que des puissances occidentales disposant de capitaux et d’une puissance industrielle jamais vues, et vous obtenez une société qui semble être en bonne voie de se transformer en une utopie où le luxe d’hier devient l’existence courante d’aujourd’hui.
Bien entendu, tout cela prendra fin abruptement en 1914, à peine deux ans après une tragédie qui avait déjà frappé les esprits et fragilisé cette idée de progrès et d’avancement technologique impossible à stopper.
Voilà donc le grand intérêt de Titanic: récits et destin. Une exposition particulièrement bien mise en contexte, avec une vaste préférence pour le côté humain de ce drame impossible à oublier. À voir.