Oui, l’humanité peut extraire suffisamment de cuivre pour alimenter la transition énergétique et nous permettre de laisser les combustibles fossiles derrière nous. Ou il est possible de développer les infrastructures des pays en voie de développement. Mais il sera extrêmement difficile d’accomplir les deux en même temps, à moins d’un changement économique majeur aux conséquences importantes.
C’est du moins l’avis de chercheurs de l’Université du Michigan et d’autres institutions, qui estiment que même l’idée de maintenir le rythme actuel du développement économique, industriel et des populations, au cours des prochaines décennies, nécessitera des quantités de cuivre bien plus importantes que ce qui est actuellement extrait dans des mines, un peu partout sur la planète.
Quant à l’idée d’aider à la transition vers les énergies vertes tout en aidant le développement des pays pauvres, cela serait « extrêmement difficile », jugent les auteurs de cette étude récemment publiée dans SEG Discovery.
La solution? Le professeur Adam Simon et ses collègues sont clairs: pour réussir à atteindre les différents objectifs et produire assez de cuivre pour subvenir à la demande, le prix de cette matière première doit doubler. Pourquoi? Pour convaincre les entreprises minières de construire de nouvelles installations et ainsi répondre aux besoins du marché.
Des milliards de tonnes nécessaires
Afin de parvenir à cette conclusion, les auteurs de l’étude, parmi lesquels on trouve également Lawrence Cathles, de l’Université Cornell, et Daniel Wood, de l’Université du Queensland, ont cherché à modéliser les quantités de cuivre nécessaires pour combler les besoins « normaux » liés à la croissance de la population et à l’amélioration des conditions de vie.
Ils ont aussi déterminé, écrit-on, les volumes de cuivres qu’il faudrait extraire du sol si l’on souhaite respecter l’un de sept scénarios liés à la transition énergétique. Cela comprend le remplacement de tous les véhicules à essence par leur équivalent électrique (et les améliorations nécessaires au réseau électrique), remplacer les combustibles fossiles par le solaire et l’éolien, ou encore utiliser de la production énergétique solaire et éolienne qui s’appuie sur un système de piles, pour servir de système de stockage d’électricité.
Si l’humanité garde le cap, il faudra miner quelque 1,1 milliard de tonnes de cuivre d’ici 2050. Dans le cas d’une transition vers des véhicules électriques, on parle plutôt de 1,25 milliard de tonnes.
Quant au passage vers le solaire et l’éolien, le total double, à 2,3 milliards de tonnes de cuivre. Et la construction d’un système électrique qui s’appuie sur des piles pour stocker l’électricité engloutira 3 milliards de tonnes de ce minerai.
Par comparaison, on a extrait environ 23 millions de tonnes de cuivre du sol, l’an dernier.
Au même moment, ajoutent les chercheurs, il est impossible d’ignorer la nécessité de développer des infrastructures dans des pays tels que l’Inde, ou encore sur le continent africain.
L’Inde, dit-on, aura besoin de 227 millions de tonnes de cuivre pour développer et moderniser ses infrastructures; pour l’Afrique, la « facture » avoisine le milliard de tonnes.
« La planète a de plus en plus besoin de cuivre pour le développement économique « normal », et cela crée des tensions. Nous suggérons que la demande pour le développement économique, qui est en gros un développement humain, prenne le pas sur les différents scénarios d’électrification », juge le Pr Simon.
« Si cela en revient à une compétition entre le développement des soins de santé en Afrique et le fait de conduire une Tesla, alors je vote pour l’Afrique. »
Des infrastructures faites de cuivre
Les câbles électriques, mais aussi les systèmes sanitaires, de distribution d’eau potable, les hôpitaux, les écoles, les réseaux de télécommunications… Tout cela nécessite du cuivre, rappellent les chercheurs.
Et si la planète se contente de la croissance « normale », il faudra inaugurer « 78 nouvelles mines de cuivre, d’ici 2050, qui produiront 500 000 tonnes de minerai chaque année ».
« En un siècle de développement, aux États-Unis, nous avons construit des réseaux de plomberie, d’électricité… Cela équivaut à environ 600 kilos de cuivre pour chaque homme, femme et enfant », a encore mentionné le Pr Simon.
« Dans des pays comme l’Inde, c’est plutôt 60 kilos, actuellement. »
Et pour pousser les entreprises à ouvrir davantage de mines de cuivre, les auteurs de l’étude estiment que le prix de cette ressource devrait doubler, pour passer le cap des 20 000 $ US la tonne, contrairement à environ 9000 $ US la tonne, en ce moment.
Toujours selon les chercheurs, si le recyclage de ce métal continue lui aussi de se développer au même rythme qu’actuellement, en date de 2050, cela permettra de réduire du tiers les besoin de « nouveau » cuivre pour répondre aux besoins normaux.