Cinq mois après le déclenchement de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, cet acte d’agression non provoquée, mené par Vladimir Poutine et le pouvoir russe, s’accompagne non seulement d’un très lourd bilan humain, mais aussi d’un coût plus qu’astronomique : 8900 milliards de dollars.
Voilà en effet le montant avancé – et même présenté comme étant « conservateur » – par Dan Ciuriak, fellow du C.D. Howe Institute, dans une note d’information publiée au cours des derniers jours. Cette estimation s’appuie notamment sur les coûts humains engendrés en Ukraine, là où se déroule la quasi-totalité des combats, mais tient aussi compte des impacts économiques à court, moyen et long terme.
Dans ce total, il faut en effet inclure les conséquences des sanctions décrétées par l’Occident contre la Russie, suite à son invasion, à la fin février. De fait, plusieurs économistes, agences internationales, et même les Nations unies ont aisément pu constater les impacts bien réels de ces sanctions, notamment du côté de la crise alimentaire qui a été empirée par l’incapacité, pour l’Ukraine comme pour la Russie, d’aller de l’avant avec leurs exportations normales de céréales, mais aussi d’engrais.
Cinq mois plus tard, cette crise, qui a plongé au moins 40 millions de personnes en plus dans une situation de pauvreté et de détresse alimentaire, commence
à peine à se résorber, les deux parties ayant conclu un accord, supervisé par l’ONU, pour permettre l’exportation des céréales ukrainiennes à partir du port d’Odessa, sur une mer Noire largement sous contrôle russe.
Toujours selon M. Ciuriak, son montant d’environ 9000 milliards, « un montant équivalent à quatre fois les revenus annuels de l’ensemble de la population canadienne », pourrait passer à 14 000 milliards « lorsque l’on accorde une valeur plus importante aux coûts humains.
Et si une partie de ces coûts incombe à la Russie, ce sont l’Ukraine et les tierces parties qui subissent le plus gros de cet impact financier titanesque, lit-on encore dans la note d’information.
Cette même note précise que les dégâts matériels représentent également une partie importante des coûts associés à la guerre, notamment en raison des combats, mais aussi des bombardements et attaques russes, dont la stratégie est passée du blitz à celle d’une destruction systématique, comme cela a été constaté dans le bassin minier du Donbass, une région stratégique à l’est de l’Ukraine, ainsi qu’à Marioupol, grande ville de l’est du pays, sur la mer Noire, qui aurait été détruite à 90 % par des semaines de bombardements sans relâche.
Au total, les dégâts aux infrastructures économiques et civiles de l’Ukraine représenteraient une somme d’environ 180 milliards de dollars.
Sur le plan de l’économie, toutefois, l’Ukraine serait aux abois : M. Ciuriak évoque, données à l’appui, une contraction d’environ 35 % du PIB du pays, notamment en raison de la fermeture de la moitié des entreprises depuis l’éclatement de la guerre.
De plus, les évacuations de civils ont aussi eu un effet sur l’économie du pays, non seulement en termes de main-d’oeuvre, mais aussi en termes de frais pour leur venir en aide, avec 7,2 millions d’habitants déplacés à l’intérieur des frontières, 5,2 millions réfugiés à l’étranger, et 1,3 million de personnes déplacées de force en Russie.
Sombres perspectives en Russie
Du côté de l’envahisseur, justement, la contraction du PIB devrait aller de 7 à 15 %, selon les estimations, avec des variations en fonction de l’ajout de nouvelles sanctions, par exemple.
L’effondrement de plusieurs pans de l’économie russe, notamment en raison de la fin des importations auprès de l’Occident, aura aussi des conséquences à long terme, note M. Ciuriak.
Ultimement, note ce dernier, la guerre devrait faire disparaître près de 2200 milliards de dollars en croissance prévue d’ici 2027, autant en Ukraine qu’en Russie. Le Bélarus, allié de la Russie, est aussi compris dans ces calculs, mais comme ce pays ne participe pas officiellement aux opérations de combat, les impacts y seront bien moindres.
L’impact humain
Au-delà des simples valeurs économiques, il est clair que les conséquences pour les populations seront les plus « coûteuses ». Que ce soit sous la forme de citoyens ou de soldats tués ou encore blessés, ou encore de populations traumatisées, la guerre en Ukraine aura des impacts étalés sur des décennies.
« Il est possible d’avancer que depuis le début de la guerre, 40 000 personnes ont été tuées, et 50 000 autres ont été gravement blessées, certaines de façon permanente », écrit M. Ciuriak. Ces morts et blessés auraient une « valeur » allant de 59 à 126 milliards de dollars.
À cela, il faut ajouter les morts et blessés militaires. Particulièrement difficile à estimer, ce total comprendrait, selon des données avancées par les Américains, quelque 50 000 morts et 80 000 blessés chez les Russes. Chez les Ukrainiens, il s’agirait de 20 000 morts et blessés par mois au cours de la plus récente phase de la guerre, où le conflit est passé d’un ensemble de tactiques basées sur le mouvement à des tactiques dignes de la Première Guerre mondiale, avec des tranchées et des duels d’artillerie, qui s’avèrent particulièrement meurtriers.
Une fois la guerre finie, la population ukrainienne sera privée d’un « potentiel de croissance » et de « vie en santé » équivalent à 2,8 années de vie perdues, par citoyen. Comme quelque 37 millions d’Ukrainiens sont à risque, M. Ciuriak arrive à un total équivalent à 2500 milliards, au minimum, et 5400 milliards au maximum.
À ne pas oublier, non plus : les effets délétères, à terme, de ce conflit et de ses répercussions sur les populations des pays voisins et éloignés, comme l’Europe, le Moyen-Orient, l’Afrique, ou encore l’Asie.
« La guerre de Vladimir Poutine coûte très cher à l’ensemble de la planète », écrit encore M. Ciuriak, qui évoque, au passage, la forte croissance des budgets militaires de nombreux pays, le redémarrage de centrales polluantes pour éviter de dépendre du gaz et du pétrole russes… Bref, autant de conséquences multiples et parfois inattendues d’un conflit qui est tout sauf régional.