Le festival Fantasia, ce n’est pas seulement des films de vampires avec des dames peu vêtues. C’est aussi un documentaire sur le créateurs de nombreux films de vampires avec des dames peu vêtues. Plus sérieusement, quel meilleur endroit que la grand-messe du cinéma de genre pour rendre hommage à l’un ces maîtres restés largement dans l’ombre, l’un de ces géants dont on n’apprend l’existence qu’une fois qu’il est trop tard : Jean Rollin.
Né tout juste avant la Deuxième Guerre mondiale, Rollin, de par son père, homme de théâtre, mais surtout de par sa mère, liée de près et de loin au milieu littéraire français, grandira dans une France d’après-guerre en proie à un renouveau culturel. Rapidement épris de cinéma, le voilà qui tâte du court, puis du long-métrage au moment où la Nouvelle Vague se pointe le bout du nez.
Mais ce qui l’anime, lui, c’est le fantastique. D’où l’inclusion de ce mot, d’ailleurs, dans le titre du documentaire Orchestrator of Storms : The Fantastique World of Jean Rollin. Très vite, il donne dans l’imaginaire psychédélique, le tout avec une bonne dose de romantisme bien souvent doux-amer.
Très vite, il mariera l’érotisme, dans une France pendant un temps encore en proie à la censure, et une critique de la société injectée sous la forme de films où des créatures surnaturelles représentent qui les hommes, qui leurs opposants. Donnant résolument dans le film de genre, mais un film de genre bien à lui, loin de ce que faisaient les Italiens, par exemple, ou loin de ce que feront les Britanniques et les Américains dans les années 1980. Non, son film de genre, il le fait sous une forme existentialiste, avec ce côté audacieux, voire frondeur comme il ne s’en fait plus, ou plus vraiment.
Rollin va d’ailleurs user, voire abuser du nu féminin pour transmettre son message, ou simplement déranger le cinéphile. Ses films auront beau avoir un sens plus profond, on y voit malgré tout assez de femmes dans le plus simple appareil pour mériter une classification 18 ans et plus, voire XXX.
Faute d’argent, Rollin va donner dans le porno, en fait. Mais pas nécessairement la porn bête et ennuyeuse, sorte d’étalage de chair fétide, mais plutôt dans le porno, avec une histoire, voire même un message.
Et c’est un peu ça, sa carrière : courir après les sous, pour tourner des projets parfois complétés en quatrième vitesse. Mais plus Rollin vieillissait, plus son public semblait croître, notamment en raison de l’apparition des vidéocassettes, qui facilita la distribution de ses oeuvres.
A-t-il commencé sa carrière trop tôt? Peut-être, ou peut-être pas. Jean Rollin ressemble à bien d’autres créateurs, ceux qui font partie de l’underground, ceux dont l’existence n’est généralement connue que d’une poignée d’initiés. Ceux dont on découvre la vie et l’oeuvre qu’une fois qu’ils sont morts et enterrés.
Impossible, ultimement, de ne pas apprécier ce documentaire de deux heures bien tassées, avec de nombreux intervenants tous plus intéressants les uns que les autres. Et que dire de cette envie de tenter de découvrir, peut-être au détour d’un étrange répertoire, dans un recoin caché du web, les oeuvres de ce grand homme aux étranges visions…