Sommes-nous installés dans la salle intime du Prospero, rue Ontario à Montréal, ou sommes-nous plutôt assis sous le chaud soleil tunisien, en compagnie d’une aïeule ayant vécu les grands chambardements du siècle dernier? Pour sa pièce Omi Mouna (ou ma rencontre fantastique avec mon arrière-grand-mère), l’auteur, metteur en scène et comédien Mohsen El Gharbi examine l’histoire de ce témoin du 20e siècle et, par extension, sa propre histoire familiale.
Il y a quelque chose qui gronde, dans les tripes de Mohsen El Gharbi. Car sous son extérieur détendu et affable, le comédien semble cacher une violence transgénérationnelle, une frustration transmise de père en fils.
Ladite frustration est d’ailleurs mise en évidence dès le début de la pièce: l’acteur, installé dans la chambre d’hôpital où son père se meurt, réussit enfin à parler franchement à celui qui l’a élevé. « C’est la première fois que je peux dire ce que je ressens à mon père », dira en substance l’artiste. Le ton est donné.
Mais est-ce vraiment le cas? Quelques instants plus tard, voilà le comédien qui blague avec le public, racontant, avec moult expressions humoristiques et force cabotinage, son voyage en avion vers la Tunisie, pays de ses ancêtres, où il souhaite tourner un documentaire avec Omi Mouna, cette arrière-grand-mère qui fête alors son centième anniversaire. Puisqu’elle était désormais la dernière dépositaire de la mémoire familiale, le projet de film tombait sous le sens.
Et voilà donc l’acteur, entre deux blagues, qui nous raconte sa rencontre avec Omi Mouna, et qui, à l’aide d’un processus scénique tenant sensiblement du voyage dans le temps, aura l’occasion de revivre les jeunes années de celle qui soufflait récemment sa centième bougie de gâteau d’anniversaire.
Voilà peut-être où la violence et le mal d’une société sclérosée s’insinuent peu à peu dans ce qui passait alors largement pour une comédie. Pas de grande violence idéologique, ici, ou de fanatisme religieux, mais plutôt la violence de tous les jours, celle que l’on vit et que l’on endure au quotidien.
L’humour refait périodiquement surface dans ce récit d’oppression et de violence conjugale, ne serait-ce que pour alléger quelque peu l’atmosphère. Le fait est, toutefois, que cette exploration de cette facette sombre de la personnalité du comédien ébranle. Ébranle, oui, parce que l’on sait que les comportements de jadis sont toujours là, quelque part, que l’on ait eu droit à une éducation hors pair ou non.
Là où il y a de l’homme, il y a de l’hommerie, nous dit-on. Mohsen El Gharbi nous le prouve sans l’ombre d’un doute dans cette oeuvre coup-de-poing. À voir.
Omi Mouna (ou ma rencontre fantastique avec mon arrière-grand-mère); texte, mise en scène et interprétation de Mohsen El Gharbi. Jouée au Théâtre Propsero jusqu’au 20 octobre.
Théâtre – Un titre provisoire pour une pièce aux effets permanents
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