The New York Times
Un groupe de trois juges fédéraux américains a de nouveau déclaré que le découpage des districts de la Caroline du Nord était anticonstitutionnel, jugeant lundi que les circonscriptions étaient agencées pour spécifiquement avantager les candidats républicains.
Cette décision, qui pourrait avoir d’importants impacts pour le contrôle du Congrès après les élections de mi-mandat, devrait faire l’objet d’un appel devant la Cour suprême américaine, qui est pour l’instant divisé à parts égales entre républicains et démocrates, sans neuvième voix pour faire pencher la balance.
Bien que les électeurs de Caroline du Nord tendent à voter approximativement équitablement entre les deux partis, les républicains détiennent actuellement 10 des 13 sièges alloués à l’État à la Chambre des représentants. Un nouveau tracé des circonscriptions pourraient placer davantage de sièges à portée des démocrates.
Les trois juges avaient estimé à l’unanimité, en janvier, que la carte électorale violait le 1er et le 14e amendements de la constitution en octroyant injustement une plus importante voix aux républicains dans le choix des représentants.
Mais la Cour suprême avait refusé en juin de se saisir du dossier, renvoyant plutôt le tout au panel de trois juges en vertu des recommandations établies dans une autre affaire à propos d’une contestation judiciaire de la carte.
Dans une longue décision rendue lundi, le panel est largement parvenu à la même conclusion qu’en janvier. Et les juges se sont entendus sur le fait que les plaignants dans l’affaire – des groupes de défense des droits des électeurs et des résidents de chacun des 13 districts de Caroline du Nord – avaient eu le droit d’intenter la poursuite.
Les juges n’ont pas fermé la porte à la possibilité qu’ils puissent ordonner que de nouvelles cartes électorales soient dessinées avant le scrutin de l’automne prochain, que ce soit par l’Assemblée générale de l’État, ou par un intervenant spécial nommé par la cour.
Question délicate
Le jugement entraînera un questionnement délicat pour la Cour suprême, qui n’a jamais déclaré qu’un cas de remodelage partisan d’une carte électorale – le gerrymandering, en anglais – était contraire à la constitution, laissant de côté trois occasions de le faire durant son plus récent mandat. Avec le départ à la retraite du juge Anthony Kennedy au début de juillet, la cour est maintenant divisée entre quatre conservateurs qui ont exprimé leur scepticisme à propos de la capacité de la Cour à s’ingérer dans la question des cartes électorales, et quatre juges plus progressistes qui ont argué qu’ils disposaient de cette capacité.
Un vote de quatre voix contre quatre laisserait intact le jugement du tribunal de précédente instance.
Le vote crucial dans ce dossier sera probablement celui du juge en chef John Roberts, que plusieurs défenseurs des droits des électeurs considèrent comme une possible chance de cinquième vote en faveur de l’illégalité du gerrymandering partisan.
De tous les dossiers similaires qui ont cheminé à travers les tribunaux fédéraux ces dernières années, celui de la Caroline du Nord est peut-être le plus évident. La législature sous contrôle républicain a redessiné la carte électorale en 2016 en vertu d’une demande d’un autre tribunal fédéral, qui avait jugé que certains districts redessinés en 2011 étaient biaisés selon des caractéristiques raciales, une pratique déjà jugée anticonstitutionnelle par la Cour suprême.
La carte de 2011 avait transformé un avantage de 7 sièges contre 6 en faveur des démocrates à la Chambre en une division 9 à 4 pour les républicains. La nouvelle carte de 2016 avait fait passer cet avantage à 10 contre 3, mais la législature avait explicitement affirmé que cette nouvelle transformation avait été effectuée non pas contre les groupes minoritaires, mais pour nuire aux démocrates.
« Inacceptable »
Le panel de trois juges a toutefois estimé en janvier que ce changement de motivation ne rendait pas la carte électorale acceptable. Les magistrats ont affirmé que la législature désirait ainsi « »subordonner » les intérêts des électeurs non républicain et « assurer » la domination républicaine de la délégation de l’État au Congrès », un point de vue réitéré lundi.
Les trois juges ne se prononcent toutefois pas pour l’instant de précisions sur la suite des choses. Les parties engagées dans l’affaire ont jusqu’à la fin du mois pour proposer que la Cour permette la poursuite de l’utilisation de la carte électorale actuelle une dernière fois, lors des élections de mi-mandat, ou plutôt ordonner la création d’une nouvelle carte électorale d’ici la mi-septembre.
Avec le jugement rendu cette semaine, la Caroline du Nord pourrait plonger dans un chaos électoral, selon Gerry Cohen, qui a travaillé pendant plus de trois décennies comme directeur de la création de projets de loi pour l’Assemblée générale.
Si des changements sont apportés cette année, dit-il, d’importants miracles bureaucratiques devront être réalisés pour respecter la date limite du 22 septembre, dernier jour pour envoyer les bulletins de vote par anticipation aux électeurs membres de l’armée et ceux se trouvant à l’étranger.
Imaginez, dit M. Cohen: de nouveaux districts devront être dessinés. Les tribunaux – et peut-être même la Cour suprême – auront besoin de temps pour donner leur avis. Une période de mise en candidature devra être ouverte, puis close. L’État devra mettre ses listes électorales à jour en assignant les électeurs à de nouveaux districts. Et les bulletins de vote devront être imprimés. Le tout avant le 22 septembre.
« J’appuie les plaignants, ici, mais ce serait complètement fou », estime M. Cohen, de tenter de respecter cette échéance.
https://www.pieuvre.ca/2018/08/12/des-milliers-dantifascistes-contre-une-poignee-de-suprematistes-blancs-a-washington/