Une opération policière effectuée dans une favela de Rio, au Brésil, a fait au moins huit morts dans la foulée d’allégations voulant que certaines des victimes eurent été des résidents innocents exécutés dans le cadre d’une mission vengeresse menée après qu’un policier eut été tué à cet endroit la semaine dernière. Les autorités affirment de leur côté avoir été attaquées par des membres de cartels.
L’opération meurtrière effectuée dans la favela Rocinha, située près de plages dignes de cartes postales, survient six mois après que l’armée eut brièvement occupé l’endroit à la suite d’une semaine de fusillades entre cartels rivaux, et cinq semaines après que le président brésilien Michel Temer eut placé l’armée en charge de la sécurité à Rio.
L’incident s’est par ailleurs produit 11 jours après l’assassinat de la conseillère municipale de Rio Marielle Franco, qui avait dénoncé de récents meurtres de résidents des favelas, meurtres imputés à la police dont la « létalité » n’est plus à faire, selon les rumeurs. En 2017, selon des données officielles, 1115 personnes ont été tuées des suites de leur « opposition à une intervention policière » dans l’État de Rio.
Au dire de résidents, l’une des victimes de l’opération de samedi, Matheus de Oliveira, 19 ans, n’était pas impliqué dans le trafic de drogue. Il faisait partie d’un groupe de danseurs de valse qui portaient des copies d’uniformes de la marine.
Vendredi soir, Matheus et 11 autres personnes ont participé à une fête d’anniversaire non loin de là, a indiqué Alexander Izaias, 28 ans, qui vit à Rocinha et qui s’occupe du groupe depuis 15 ans.
« Les trafiquants de drogue ne dansent pas la valse », a-t-il dit.
Après le spectacle, le jeune homme et un autre danseur se sont rendus à une autre fête ayant lieu près de l’entrée de la favela, a ajouté M. Izaias. Lorsque la police est arrivée sur les lieux et a ouvert le feu, vers 5h30, les deux jeunes hommes ont pris la fuite dans deux directions différentes, mais Matheus a reçu une balle dans le dos et est mort.
« Ce qui me révolte le plus, c’est la façon dont il a été tué », poursuit M. Izaias, avant de parler d’un jeune homme normal qui était heureux et qui aimait s’amuser. « C’est une énorme perte ».
Des proches d’une autre victime, Julio de Lima, 23 ans, ont confié au site web du journal local Extra qu’il se rendait au travail dans un restaurant lorsqu’il a été mortellement atteint par balle.
L’ancienne copine de l’une des victimes, réclamant l’anonymat par peur de représailles, a affirmé que la victime en question était membre d’un gang criminel et qu’il a été atteint en pleine tête alors qu’il dormait près d’un point de vente de substances illicites.
Selon un autre résident, le bilan pourrait encore s’alourdir. « Il y a encore des blessés dans les allées, on croit qu’il y aurait de 11 à 14 morts, et non pas huit, comme l’affirme la police », a confié un résident, qui a lui aussi conservé l’anonymat.
Dans une déclaration officielle, la police a affirmé que des criminels armés avaient ouvert le feu sur la patrouille qui circulait dans la communauté. Six personnes ont été tuées et un fusil d’assaut AK-47, six pistolets et trois grenades ont été saisis. Toutes les victimes étaient membres de gangs criminels, a-t-on soutenu.
« Malheureusement, les criminels de Rocinha persistent à vouloir confronter la police », a déclaré le major Ivan Blaz, porte-parole de la police, sur les ondes de la chaîne TV Globo, avant d’ajouter que 100 criminels avaient été arrêtés et 48 autres tués depuis septembre dernier.
La chaîne Globo a rapporté que des détectives affectés au département des homicides avaient interrogé les agents impliqués, et indiqué que quatre des hommes tués avaient des dossiers criminels, trois n’en avaient pas et qu’une victime n’avait pas encore été identifiée. Des photos circulant sur WhatsApp montrent des corps ensanglantés amoncelés dans des allées et à l’arrière d’une camionnette. Sur certains d’entre eux, on peut voir des signes d’une exécution, avec des impacts de balles à l’arrière du crâne.
Vengeance?
Certains résidents estiment que l’opération de samedi était un acte de vengeance après qu’un policier eut été tué dans la même favela, mercredi, chose que le major Blaz a nié. Selon l’Institut Agarapé, un groupe de recherche sur la police, 134 policiers ont été tués dans l’État de Rio en 2017.
César Munoz, l’un des principaux experts employés par l’organisation Human Rights Watch au Brésil, a dit craindre le fait que des tweets de la police indiquant qu’ils avaient emmené des criminels blessés à l’hôpital ne permettait pas de savoir si leur décès avait été constaté à l’arrivée à l’hôpital, ou plus tard.
« Nous avons documenté plusieurs cas, ces 10 dernières années, à Rio de Janeiro, où la police a transporté des corps à l’hôpital comme méthode servant à détruire des preuves et nuire aux enquêtes », a-t-il dit.
En complément:
https://www.pieuvre.ca/2018/03/01/controle-des-armes-a-feu-la-nra-accuse-trump-de-trahison/