Le web est uniquement « gratuit » parce que notre attention est vendue au plus offrant via des systèmes complexes d’enchères en temps réel, le tout basé sur des algorithmes de collecte de données; en bout de ligne, on nous présente des publicités.
Et si vous étiez admiratifs de la série Mad Men, avec ses présentations de messages persuasifs finement ciselés, alors vous détestez sans doute les interruptions irritantes des annonces numériques modernes.
Vous n’êtes pas seuls. Onze pour cent des internautes de la planète utilisent maintenant des logiciels pour bloquer les publicités, qu’il s’agisse de greffons pour navigateurs web – Adblock, Adblock Plus et uBlock – ou de navigateurs complets – Brave et Cliqz – pour une expérience en ligne moins intrusive.
Cependant, il appert que ces bloqueurs de publicités ne sont pas aussi efficaces que vanté, puisque les grands éditeurs sont passés à la contre-attaque. Dans une tentative désespérée d’éviter de perdre des milliards en revenus publicitaires, ils emploient des méthodes techniques sournoises pour continuer d’afficher des publicités ciblées.
Une nouvelle étude, intitulée Measuring and Disrupting Anti-Adblockers Using Differential Execution Analysis, réalisée par les professeurs Zhiyun Qian et Heng Yin, de l’Université de Californie à Riverside (UCR); par l’étudiant des cycles supérieurs de l’UCR Shitong Zhu; par Zunchao Hu, de l’Université de Syracuse, et par Zubair Shafiq, de l’Université de l’Iowa, se penche sur les méthodes de blocage des bloqueurs et ce qui peut être fait pour contrer ces nouveaux efforts.
« L’industrie publicitaire n’est pas suffisamment auto-réglementée, et il existe toutes sortes de problèmes, comme l’envoi de logiciels malveillants via des publicités, la surveillance universelle, et les publicités agaçantes, entre autres », affirme M. Quian, professeur adjoint au département d’informatique et de génie, qui a précédemment travaillé pour Microsoft et Cisco. « Notre étude découle de travaux d’abord commandités par le Data Transparency Lab, et maintenant par la National Science Foundation, et le but initial était simple: en apprendre davantage sur la course aux armements entre les bloqueurs et les anti-bloqueurs de publicités. »
Les auteurs ont mené plusieurs expériences à la fois, y compris une analyse de l’exécution différentielle pour automatiquement détecter et analyser les anti-bloqueurs; colliger des traces d’activité en visitant un site web avec, puis sans des bloqueurs publicitaires pour évaluer les diverses expériences de navigation. Leur système a détecté des anti-bloqueurs sur 30% des 10 000 plus importants sites du portail de classement Alexa.
« Cette proportion est jusqu’à 52 fois plus importante que ce que l’on savait auparavant », précise M. Quin. « Nous savons que lors des précédentes études étaient limitées à la détection des réactions visibles, comme des messages d’avertissement ou des fenêtres apparaissant lors de la détection de bloqueurs publicitaires. Mais notre système peut détecter les tentatives d’identification des bloqueurs même lorsqu’il n’y a pas de réaction particulière, ce qui survient dans plus de 90% des cas. »
En fonction de leurs résultats, l’équipe a mis au point des outils logiciels, y compris une solution pouvant être intégrée dans un greffon destiné à Chrome, pour aider les bloqueurs à outrepasser les meilleurs anti-bloqueurs.
En contrant les méthodes des bloqueurs, M. Qian estime que l’envoi de logiciels malveillants et la surveillance généralisée se répandront, et ce jusqu’à menacer la stabilité des systèmes numériques interconnectés.
« Nous considérons que notre recherche s’inscrit dans le cadre du mouvement visant à maintenir la pression sur les publicitaires », mentionne M. Qian. « Il est crucial que les bloqueurs de publicités demeurent au même niveau que les anti-bloqueurs dans cette course aux armements technologiques qui se déroule à grande vitesse. »
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