Le chef de la Federal Communications Commission américaine – l’équivalent américain du CRTC – Ajit Pai, un républicain nommé par le président Donald Trump en janvier, a affirmé que la commission votera, lors d’une réunion tenue le 14 décembre, sur son plan pour en finir avec les règles de la neutralité du web défendue par le précédent président, le démocrate Barack Obama, qui traitait les fournisseurs d’accès internet comme des fournisseurs de services publics.
Les règles interdisaient aux fournisseurs de bloquer ou de ralentir l’accès aux contenus ou facturer davantage les consommateurs pour certains contenus. Ces règles étaient conçues pour assurer la liberté et l’égalité du web, offrir un accès égal aux internautes et empêcher les fournisseurs de favoriser leur propres contenus,
Le geste représente une victoire pour les grands fournisseurs américains comme AT&T, Comcast et Verizon, qui se sont opposés aux règles, et qui leur donne de larges pouvoirs pour décider des contenus auxquels les consommateurs ont accès, et à quel prix.
Il s’agit aussi d’un recul pour Google et Facebook, qui ont pressé M. Pai de ne pas annuler les règles. Netflix a indiqué mardi qu’il s’opposait aussi à la mesure visant à « saper les protections fondamentales ».
Avec trois commissaires républicains et deux commissaires démocrates, la décision devrait être approuvée. M. Trump, un républicain, s’est opposé à la neutralité du web 2014, avant même que les règles ne soient mises en place, décrivant le tout comme une « prise de pouvoir » de la part de Barack Obama. La Maison-Blanche n’a pas immédiatement commenté, mardi.
Au dire de M. Pai, sa proposition empêcherait les gouvernements locaux et étatiques de créer leurs propres règles de neutralité du web, puisque les services web sont « fondamentalement inter-étatiques ». Cette disposition devrait bloquer les États et villes sous contrôle démocrate qui auraient pu vouloir instaurer des règles « maison » pour protéger les droits des consommateurs.
« La FCC ne s’occupera plus de la microgestion des modèles d’affaires et ne bloquera plus les services, les applications et les produits qui pourraient accroître la concurrence », a déclaré M. Pai lors d’une entrevue, avant de préciser que l’administration Obama avait voulu choisir les gagnants et les perdants de cette course aux parts de marché, et avait « largement voulu contrôler internet ».
« Nous devrions simplement établir des règles qui laissent toutes les compagnies de tous les secteurs être concurrentes et laisser les consommateurs décider des gagnants et des perdants », a ajouté M. Pai.
Pour Tom Wheeler, qui dirigeait la FCC sous l’administration Obama et a fait campagne en faveur de la neutralité du web, l’abolition prévue « est une fraude honteuse et une vente au plus offrant. Même pour la FCC et son leadership, cette proposition fait passer l’hypocrisie à des niveaux inédits ».
Selon AT&T, Comcast et Verizon, l’annulation des règles pourrait entraîner des investissements de plusieurs milliards de dollars, et éliminer la possibilité qu’une future administration présidentielle puisse réglementer le prix de l’accès au web.
Comcast a assuré que peu importe la décision de la FCC, l’entreprise « ne bloquera, ni ne ralentira, ni ne fera preuve de discrimination envers les contenus ».
À l’Internet Association, qui représente d’importants joueurs du secteur technologique comme Google et Facebook, on soutient que la proposition de M. Pai « représente la fin de la neutralité du web telle que nous la connaissons et va à l’encontre de la volonté de millions d’Américains ».
« Cette proposition torpille près de 20 ans d’accord bipartisan sur la base de la neutralité du web qui protège la capacité des Américains à accéder à l’ensemble du web. »
La décision de la FCC va certainement entraîner des contestations judiciaires de la part des défenseurs de la neutralité du web.
Nancy Pelosi, la plus importante démocrate au sein de la Chambre des représentants, affirme que la décision de la FCC nuira aux consommateurs et à la concurrence, et estime que l’agence a « lancé une attaque tous azimuts contre l’entrepreneuriat, l’innovation et la concurrence qui se trouvent au coeur d’internet ».
Toujours dans le cadre de la nouvelle proposition, la FCC disposerait de bien moins d’autorité pour surveiller le web. Le plan de M. Pai viendrait entre autres à bout des « normes de conduite en ligne », qui donnaient à la FCC une importante marge de manoeuvre pour empêcher les pratiques inappropriées des fournisseurs d’accès.
En complément:
https://www.pieuvre.ca/2017/11/08/personne-nest-a-labri-des-pirates/