Mariano Rajoy a réclamé mercredi une clarification au gouvernement autonome de Catalogne et évoqué l’article 155 de la Constitution qui permettrait à Madrid de suspendre l’autonomie de la région.
« Le gouvernement a convenu ce matin de demander solennellement au gouvernement catalan de confirmer s’il a déclaré l’indépendance de la Catalogne, indépendamment de la confusion délibérément créée sur sa mise en oeuvre », a déclaré le président du gouvernement espagnol à l’issue d’un conseil extraordinaire des ministres.
« Cette exigence, préalable à toute mesure que le gouvernement pourrait adopter en vertu de l’article 155 de notre Constitution, vise à fournir aux citoyens la clarté et la sécurité juridique que requièrent une question aussi importante », a-t-il poursuivi dans une allocution télévisée. Rajoy n’a pas fixé d’ultimatum aux autorités catalanes mais a précisé que « la réponse du président catalan déterminera les événements à venir dans les prochains jours ».
Dans un discours cristallisant les attentes, le président de la Généralité de Catalogne, Carles Puigdemont, a symboliquement déclaré mardi soir l’indépendance de la Catalogne mais en a aussitôt suspendu la mise en oeuvre afin de permettre un dialogue avec Madrid.
« J’assume le mandat en vertu duquel la Catalogne doit devenir un État indépendant sous la forme d’une République », a-t-il dit devant le Parlement de Barcelone, avant d’ajouter: « Je propose de suspendre les effets de cette déclaration d’indépendance pour entamer des discussions afin de parvenir à une solution négociée. »
Réflexion constitutionnelle
L’article 155, qui n’a jamais été appliqué dans la courte histoire de la démocratie espagnole, permettrait à Madrid de suspendre l’autonomie de la Catalogne et d’ordonner la tenue d’élections régionales anticipées pour sortir de la plus grave crise politique espagnole depuis la tentative de putsch militaire de 1981.
Pedro Sanchez, chef de file de l’opposition socialiste consulté par Mariano Rajoy comme les autres dirigeants des partis politiques nationaux, a dit partager la demande du gouvernement.
Qualifiant la séance de mardi au Parlement de Catalogne de « cérémonie de l’absurde », le secrétaire général du PSOE a lui aussi estimé que Puigdemont devait clarifier « noir sur blanc » si l’indépendance est proclamée ou non.
Il a également annoncé s’être mis d’accord avec Rajoy sur le lancement d’une révision constitutionnelle. Un groupe de travail étudiera dans les six mois la situation actuelle, a-t-il dit, avant l’ouverture d’un débat constitutionnel au Congrès des députés.
« Nous sommes prêts à réformer la Constitution pour voir comment la Catalogne peut rester en Espagne », a-t-il dit lors d’une conférence de presse.
Casse-tête
Pour les observateurs, Puigdemont se trouve désormais face à un casse-tête: soit il proclame officiellement l’indépendance et Madrid active sans doute l’article 155; soit il ne s’exécute pas, et risque de perdre le soutien nécessaire des députés indépendantistes de la CUP (Candidature d’unité populaire), le parti de la gauche radicale déjà passablement déçu par son discours de mardi – « Nous avons peut-être manqué une occasion historique », a commenté sa dirigeante, Ana Gabriel.
« Rajoy a deux objectifs: si Puigdemont reste dans l’ambiguïté, le mouvement indépendantiste va se fracturer davantage; si Puigdemont continue de défendre l’indépendance, Rajoy pourra alors appliquer l’article 155 », explique Antonio Barroso, directeur adjoint de la firme Teneo Intelligence.
« Dans les deux cas, l’objectif de Rajoy est de restaurer l’état de droit en Catalogne et cela pourrait à terme conduire à des élections anticipées dans la région », ajoute-t-il.
Pour l’heure, l’exécutif catalan n’a pas répondu à Rajoy.
Mais un porte-parole de la Generalitat avait mis en garde Madrid, avant le conseil des ministres, de ne pas s’engager sur la voie de l’article 155. « Nous n’avons renoncé à absolument rien. Nous avons décidé une pause, ce qui ne signifie pas un recul, une renonciation ou quoi que ce soit de ce genre », a dit Jordi Turull au micro de Radio Catalunya.