Des scientifiques de Caltech et de l’Université du Sud de la Californie (USC) ont découvert une méthode permettant d’accélérer la partie la plus lente de la réaction chimique qui aide, ultimement, à « stocker », ou séquestrer, le dioxyde de carbone dans les océans. En ajoutant une enzyme courante au mélange, les chercheurs ont constaté qu’il était possible d’augmenter la vitesse de cette partie la plus lente de la réaction par un facteur de 500.
Un article sur ces travaux est déjà disponible en ligne sur le site web du magazine scientifique Proceedings of the National Academy of Sciences, et a été recensé par le site internet Phys.org.
« Si ce nouvel article ne porte pas sur un mécanisme chimique de base, les implications portent à croire que nous aurions avantage à imiter le processus naturel qui stocke le dioxyde de carbone dans les océans », mentionne le principal auteur de l’étude, Adam Subhas, un étudiant des cycles supérieurs de Caltech.
La recherche découle d’une collaboration entre les laboratoires de Jess Adkins, à Caltech, et de Will Berelson, à l’USC. L’équipe a utilisé l’identification isotopique et deux méthodes pour mesurer les taux d’isotopes dans des solutions et des solides, histoire d’étudier la dissolution du calcite – une forme de carbonate de calcium – dans de l’eau de mer, et mesurer la vitesse de cette dilution à l’échelle moléculaire.
Tout cela a débuté avec un problème particulièrement simple: mesurer le temps nécessaire pour que le calcite se dissolve dans de l’eau de mer. « Bien que cela semble être un problème supposément simple, le fonctionnement de la réaction est en fait mal compris », mentionne M. Berelson, qui enseigne les sciences de la Terre au Dornsife College of Letters, Arts and Sciences de l’USC.
Le calcite est un minerai fait de calcium, carbone et oxygène qui est généralement connu comme un précurseur sédimentaire du calcaire et du marbre. Dans l’océan, le calcite est un sédiment formé à partir des coquilles des organismes, comme le plancton, qui sont morts et ont coulé jusqu’à reposer sur le fond marin. Le carbonate de calcium est également le matériau qui compose les récifs coralliens.
Alors que le niveau de dioxyde de carbone dans l’atmosphère a dépassé les 400 parties par million – un seuil symbolique pour les climatologues qui confirme que les effets des gaz à effet de serre dans l’atmosphère seront ressentis pendant de nombreuses générations -, la surface des océans a agit comme un important réservoir de dioxyde de carbone. En ce moment, ils contiennent environ 50 fois plus de CO2 que l’atmosphère.
Il existe toutefois un deuxième processus plus lent qui permet de retirer le CO2 de l’atmosphère. Le dioxyde de carbone est un acide dans l’eau de mer, comme il l’est dans les boissons gazeuses (ce qui explique pourquoi ils sont mauvais pour l’émail des dents). Les surfaces acides des océans circuleront éventuellement jusqu’aux fonds marins et le CO2 supplémentaire y sera alors neutralisé. Cependant, ce processus s’étend sur des dizaines de milliers d’années et, pendant ce temps, les eaux de surface toujours plus acides érodent les coraux. Mais à quelle vitesse ces coraux se dissoudront-ils?
« Nous avons décidé de nous attaquer à ce problème parce que l’état des connaissances dans ce domaine est un peu gênant », mentionne M. Adkins, professeur de géochimie et de sciences environnementales à Caltech. « Nous ne pouvons pas vous dire à quelle vitesse les coraux vont se dissoudre. »
De précédentes méthodes s’appuyaient sur la mesure des variations de pH dans l’eau de mer, alors que se dissolvait le carbonate de calcium. Alors que la dissolution va de l’avant, cela fait augmenter le pH de l’eau, ce qui la rend moins acide. MM. Subhas et Adkins ont plutôt employé l’étiquetage isotopique.
Les atomes de carbone existent sous deux formes stables dans un environnement naturel. Environ 98,9 % de ces atomes sont du carbone-12, qui possède six protons et six neutrons. Environ 1,1 % est composé de carbone-13, avec un neutron supplémentaire.
Les deux chercheurs ont créé un échantillon de calcite formé uniquement de carbone-13 et l’ont dissout dans de l’eau de mer. En mesurant le changement dans le taux de carbone-12 par rapport au carbone-13 dans cette eau, ils ont pu déterminer la vitesse de dissolution à l’échelle moléculaire. Leur méthode s’est avérée environ 200 fois plus précise que des techniques comparables pour étudier ce processus.
Sur papier, la réaction est relativement simple: de l’eau, plus du dioxyde de carbone, plus du carbonate de calcium, donne du calcium dissout et des ions de bicarbonate dans de l’eau. En pratique, c’est un peu plus compliqué. « En fait, le carbonate de calcium décide de se scinder spontanément en deux. Mais quelles sont les avenues chimiques empruntées lors de cette réaction? », se demande M. Adkins.
En étudiant le processus avec un spectromètre de masse et d’autres appareils, M. Subhas a découvert que la partie la plus lente de la réaction était la conversion de dioxyde de carbone et d’eau en acide carbonique.
« Cette réaction méritait davantage d’attention », mentionne M. Subhas. « Cette étape lente permet de créer et de briser les liens entre le carbone et l’oxygène. Ces deux éléments n’aiment pas être séparés; ils sont présents sous une forme stable. »
Munis de ces informations, l’équipe a ajouté l’enzyme carbonique anhydrase – qui aide à maintenir l’équilibre du pH dans le sang des humains et d’autres animaux – et ont pu accélérer la réaction de façon très importante.