Theresa May a reconduit la plupart de ses ministres dimanche mais a nommé au gouvernement un de ses adversaires dans le but d’unir sa formation, le Parti conservateur, qui a perdu la majorité absolue aux élections législatives anticipées de jeudi.
La première ministre britannique a expliqué qu’elle voulait profiter de l’expérience de « l’ensemble du Parti conservateur » en nommant Michael Gove au ministère de l’Agriculture. Michael, qui a été plusieurs fois ministre, avait eu des mots avec Theresa May quand celle-ci était à l’Intérieur.
Michael Gove s’était présenté contre Theresa May à la surprise générale à l’élection à la direction du Parti conservateur après la démission de David Cameron en 2016, ce qui avait contraint Boris Johnson, qu’il soutenait jusque là, à se retirer. Cela avait été considéré comme un acte déloyal et Theresa May, après avoir remporté la direction du Parti, ne l’avait pas reconduit au ministère de la Justice.
Mais, après avoir sacrifié une majorité absolue au Parlement dans un scrutin qu’elle n’avait pas besoin de convoquer, Theresa May a besoin d’unifier autour d’elle un parti désabusé, non seulement pour la soutenir dans les négociations sur le Brexit – elles doivent commencer le 19 juin – mais aussi pour parvenir à un accord avec le Parti unioniste démocrate (DUP), mouvement nord-irlandais dont les dix sièges parlementaires lui permettraient de retrouver sa majorité absolue. « Ce que je suis en train de faire est de continuer mon travail immédiat. Et je pense que c’est ce qui est important; c’est ce que le public attend. Il veut voir le gouvernement fournir cette certitude et cette stabilité », a déclaré la première ministre.
Minorité
« Aujourd’hui, j’ai vu des gens de l’ensemble du parti accepter l’invitation d’être dans mon gouvernement et, de façon cruciale, j’ai fait entrer des talents de l’ensemble du Parti conservateur. Je pense que c’est important », a-t-elle ajouté.
Tous ses espoirs reposent désormais sur le DUP. Le mouvement protestant nord-irlandais a annoncé dimanche avoir eu des discussions positives avec les conservateurs, mais a démenti qu’un « schéma d’accord » ait été conclu, comme l’avait avancé la veille le 10 Downing Street. Arlene Foster, chef de file du mouvement, a annoncé qu’elle rencontrerai Theresa May mardi.
Le DUP est farouchement opposé au mariage homosexuel et à l’avortement, ce qui le met en porte-à-faux avec les Tories et suscite l’inquiétude de certains conservateurs.
Avec 318 sièges, les Tories restent la première force parlementaire, mais il leur en manque huit pour disposer de la majorité absolue. Le Parti travailliste, qui compte 262 représentants aux Communes, a quant à lui gagné une trentaine de sièges, mais n’est pas en mesure de former une quelconque coalition gouvernementale.
Pour son chef de file Jeremy Corbyn, de nouvelles élections pourraient avoir lieu avant la fin de l’année ou début 2018.
« Je peux encore être premier ministre. C’est toujours possible, absolument », dit-il en outre dans les colonnes du Sunday Mirror. Son parti, explique-t-il, va tenter de mettre Theresa May en minorité à l’occasion de la présentation de son programme, lors du discours du trône, ce qui permettrait au Labour de tenter de former un nouveau cabinet. Mis à part Michael Gove et Damian Green, un proche nommé comme secrétaire général du gouvernement, Theresa May a confirmé dans leurs fonctions la plupart des ministres de son précédent gouvernement.
« Sursis »
Cela a semblé marquer un changement par rapport au projet initial qui était apparemment de faire partir ceux qui étaient considérés comme les moins loyaux, signe d’un affaiblissement de la chef du gouvernement au sein d’un parti qui souhaite en général des dirigeants puissants.
Cela lui a valu en retour des déclarations de fidélité. « Je vais la soutenir, et absolument tous ceux à qui se parlerai vont la soutenir également », a déclaré Boris Johnson, l’actuel chef de la diplomatie, à la chaîne de télévision Sky News, en soulignant que May était à ses yeux la mieux placée pour organiser le Brexit.
Selon le Sunday Times, cinq ministres ont invité le chef de la diplomatie Boris Johnson à remplacer Theresa May au poste de premier ministre, mais l’intéressé a appelé tous les élus conservateurs à faire corps avec elle. « Mes amis, nous devons nous calmer et rester derrière la première ministre », dit-il dans un message envoyé aux membres du groupe parlementaire via WhatsApp, selon la chaîne ITV.
Theresa May, poursuit-il, « est une femme aux qualités extraordinaires et l’opinion attend franchement de nous que nous la soutenions avec discipline et détermination. » Liam Fox, le ministre du Commerce, a également dit que May était la seule personne à pouvoir faire sortir le Royaume-Uni de l’Union européenne.
Selon un conservateur, la décision de prendre Michael Gove au gouvernement montre peut-être que Theresa May a tiré les leçons du renvoi de George Osborne. L’ancien ministre des Finances, qui travaille maintenant au quotidien Evening Standard, est devenu très critique de la chef du gouvernement. « Theresa May est une morte-vivante. Le tout est de savoir combien de temps elle va rester dans le couloir de la mort », a commenté l’ancien ministre des Finances.