La bataille idéologique fait rage à droite, en France, après la défaite de François Fillon qui relance les hostilités entre modérés et « droitiers » pour les élections législatives, dont certains attendent un sursaut, voire une cohabitation. Chez les socialistes, on se rallie à Emmanuel Macron, ex-ministre du président, mais sans plan commun pour ces mêmes législatives.
Au lendemain du « choc » de l’élimination du premier tour de la présidentielle, les responsables des Républicains se réunissaient lundi pour tirer les enseignements d’un « gâchis ».
Les 17 membres du comité politique, instance exclusivement consultative créée par François Fillon lui-même en novembre dernier après sa victoire à la primaire, ont entamé cette journée de discussions aux accents de règlements de comptes.
Alain Juppé, qui ne participait pas à la réunion, a donné de Bordeaux le ton de la journée: « Il y a au moins deux raisons à cet échec : la première, et il l’a lui-même reconnu, c’est évidemment la personnalité de notre candidat. (…) La deuxième, c’est aussi la ligne politique. »
François Fillon, qui n’a rien dit de son avenir dimanche soir après avoir endossé la responsabilité de la débâcle, devrait se rendre à la réunion du bureau politique de LR, l’instance exécutive, prévue à 17h00.
Le comité « proposera au bureau politique de soutenir une position claire et de rassemblement » en vue du second tour de la présidentielle, qui opposera Emmanuel Macron à Marine Le Pen, a annoncé le président de l’instance, Gérard Larcher, après plus de deux heures de réunion.
Débats
Le président du Sénat a ainsi jeté un voile policé sur les escarmouches qui ont commencé dès dimanche soir entre les nombreux partisans du front républicain, qui ont appelé à voter Emmanuel Macron – François Fillon le premier -, ceux qui, comme Laurent Wauquiez, invitent à « ne pas voter pour Marine Le Pen », ceux qui comme « Sens commun » ou Eric Ciotti refusent de se prononcer, et ceux qui défendent encore le « ni ni », ni FN ni front républicain, en d’autres mots l’abstention.
Nadine Morano, qui n’est pas membre du comité politique, s’est invitée lundi matin pour dire son refus « d’appeler à voter Emmanuel Hollande ».
Ce débat récurrent entre l’aile modérée et le flanc droitier du parti reprend de la vigueur, malgré les appels à l’unité, sous l’effet des joutes déjà à l’oeuvre pour le « leadership » de la droite et de la campagne des législatives des 11 et 18 juin, avec les sarkozystes et leur mentor à la manoeuvre. « On voit bien les arrière-pensées qui pourraient être celles des uns et des autres à courir si vite aux échéances suivantes. Mais on a un deuxième tour de la présidentielle, c’est important », a dit Nathalie Kosciusko-Morizet à la presse. « L’heure n’est pas vraiment venue de se choisir un chef. L’heure est au collectif », a renchéri Jean-François Copé.
Nicolas Sarkozy, qui ne s’est toujours pas exprimé publiquement, a convié lundi à déjeuner dans ses bureaux parisiens Brice Hortefeux, François Baroin, Laurent Wauquiez, Eric Woerth ou encore Christian Jacob, a-t-on appris de source proche de LR. Mardi matin, les « sarkozystes » se réuniront pour leur petit-déjeuner rituel dans un restaurant parisien.
Valeurs
Le « sarkozyste » Gérald Darmanin, qui avait démissionné du secrétariat général de LR pour marquer son désaccord avec le maintien de François Fillon malgré sa mise en examen, déplore dans Le Parisien « une défaite personnelle de François Fillon et d’une ligne politique trop peu à l’écoute des aspirations populaires ». Il met en cause un « rétrécissement » de la ligne sur les « seules bases bourgeoises et conservatrices ».
Christian Estrosi a dénoncé une « campagne totalement dénaturée par ceux qui parmi les proches de François Fillon ont essayé de radicaliser ».
Le « juppéiste » Jean-Pierre Raffarin a souhaité que le projet président soit « recentré » et « amendé » en vue des législatives. La campagne ne peut se faire sur « des valeurs étriquées », a estimé pour sa part sur RMC Thierry Solère, soutien de Bruno Le Maire pour la primaire. « La campagne de François Fillon depuis deux mois, ça n’a pas été de s’élargir, ça a été de se resserrer sur un corps d’électorat qui a été de plus en plus petit et à la fin on voit le résultat », a-t-il ajouté.
François Fillon a recueilli 19,91% des voix contre 27,18% pour Nicolas Sarkozy au premier tour du scrutin de 2012. « La question est de savoir si demain il y aura à droite une composante humaniste, libérale et européenne qui pourra peser pleinement de son poids », a dit Alain Juppé à la presse, alors que des soutiens comme Edouard Philippe ont appelé à « aider » le candidat d’En Marche! dans la campagne d’entre-deux-tours.
Selon une enquête Ipsos/Sopra Steria, 17% des électeurs qui avaient voté pour Nicolas Sarkozy en 2012 ont choisi Emmanuel Macron dimanche et 14% se sont tournés vers Marine Le Pen.
Un tiers de l’électorat de François Fillon (33%) se dit prêt à voter pour la candidate d’extrême droite au second tour contre 48% pour l’ancien ministre de François Hollande. Dix neuf pour cent ne se prononcent pas. « L’élection de Mme Le Pen, dont tout le monde fait comme si elle était impossible, je ne crois absolument pas cela », a averti le président de l’UDI Jean-Christophe Lagarde sur CNEWS.
Une gauche qui fait front
Le Parti socialiste a décidé lundi de faire battre Marine Le Pen le 7 mai sans pour autant proposer d’alliance à Emmanuel Macron pour les législatives, au lendemain de la défaite historique de Benoît Hamon au premier tour de l’élection présidentielle.
L’appel du candidat socialiste à voter pour Emmanuel Macron a été renouvelé par le Premier secrétaire du parti, Jean-Christophe Cambadélis, après un Bureau national organisé lundi. « Sans conditions, comme nous l’avons fait pour Jacques Chirac contre Jean-Marie Le Pen » en 2002, a-t-il dit à la presse.
« Le programme de Madame Le Pen ne prévoit pas uniquement une sortie de l’Europe mais aussi une sortie de notre République », a averti Jean-Christophe Cambadélis avant d’annoncer que le PS allait imprimer 4 millions de tracts pour faire campagne contre la présidente du FN. « Marine Le Pen présidente, ça, jamais. »
François Hollande, chef du PS pendant onze ans, est également descendu dans l’arène en appelant à voter pour Emmanuel Macron, qui a viré en tête dimanche, avec des mots très forts sur la menace que représenterait le FN.
Du côté de l’aile gauche du parti, Marie-Noëlle Lienemann, sénatrice de Paris, souligne que le PS ne propose « pas d’alliance à Emmanuel Macron ». « Pas de chèque en blanc », abonde Jérôme Guedj, porte-parole de Benoît Hamon pendant la campagne. « Macron c’est la droite », conclut Gérard Filoche, membre du Bureau national.
Jean-Christophe Cambadélis s’est « refusé » à évoquer les élections législatives des 11 et 18 juin et l’avenir du Parti socialiste. « Le temps de l’explication de cette défaite viendra, mais pas maintenant », a-t-il commenté.
Quatre tours
Devant les grilles du siège du PS, certains ténors socialistes ont parlé d’une « élection en quatre tours ». « Nous nous battrons avec nos idées pour rassembler les socialistes et l’ensemble de la gauche », dit le député Jean-Marc Germain.
L’avenir du Parti socialiste reste en suspens. Lundi matin, Manuel Valls a indiqué sur France Inter souhaiter gouverner avec Emmanuel Macron dans une future majorité. « Nous devons être prêts à le soutenir, à l’aider, à participer à cette majorité », a déclaré l’ancien premier ministre.
Au siège du PS, le cas Valls divise. Pour le député Olivier Dussopt, qui a été son porte-parole à la primaire, Manuel Valls a « évidemment sa place » au sein du PS.
Au contraire, le député Christian Paul estime que « ce n’est pas la gauche qui est irréconciliable mais peut-être Manuel Valls qui n’est plus conciliable avec la gauche ». « Ce n’est pas maintenant qu’on va couper des têtes », tempère Yann Galut au sujet des socialistes qui ont rejoint En Marche. Pour le député du Cher, les résultats de dimanche sont un « big bang ». « Il va y avoir une recomposition et elle aura lieu après les législatives. »
Le bureau national du Parti radical de gauche (PRG) réuni lundi a lui aussi appelé à voter Macron et a proposé au candidat d’En Marche ! « de construire une coalition autour de lui pour gouverner la France ».
Le PRG, qui avait appelé à voter pour le candidat du PS Benoît Hamon au premier tour de scrutin de la présidentielle, fait part, dans un communiqué, de son « inquiétude » face au score « historiquement haut » de la candidate du Front national.
À l’Assemblée, le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste (RDDP) compte 18 députés dont 12 radicaux de gauche. Au Sénat, le groupe du Rassemblement démocratique et social européen (RDSE) compte 17 membres dont une douzaine de radicaux de gauche.