Au revoir, Bill O’Reilly! Le bouillant chroniqueur, animateur du O’Reilly Factor sur les ondes de la chaîne Fox News, s’est fait montrer la porte, mercredi, après deux semaines de controverse publique concernant de possibles agressions sexuelles tues rubis sur l’ongle par le diffuseur.
Si l’on peut certainement se réjouir que cet homme, dont les présumées victimes auraient touché plus d’une dizaine de millions de billets verts pour garder le silence, perde enfin la tribune qui l’a rendu célèbre (et fait la notoriété de son réseau), il est affligeant de constater qu’il aura justement fallu une enquête du New York Times, des plaintes et des dénonciations répétées en public, mais aussi (ou surtout, selon votre degré de cynisme) le départ d’une soixantaine d’importants annonceurs pour que Fox décide qu’il était temps de faire le ménage. De là à croire que la compagnie aurait volontiers gardé tout cela sous silence si la controverse n’avait pas eu d’impact sur ses résultats financiers, il n’y a qu’un pas.
L’attitude de Fox News est d’autant plus scandaleuse que l’un de ses grands patrons, Roger Ailes, a récemment été « démissionné » pour éviter un procès, après avoir lui aussi été très fortement suspecté d’avoir harcelé et agressé des collègues de sexe féminin. Cette affaire aura aussi provoqué le départ de la journaliste Megyn Kelly. Cette même Mme Kelly qui aurait eu du « sang qui lui sortait de partout » lors de sa modération de l’un des trois débats présidentiels de la dernière campagne américaine, selon nul autre que l’actuel locataire de la Maison-Blanche.
Notons aussi que ce qui aura eu raison d’O’Reilly n’est pas sa prise de position très à droite de l’échiquier politique, ou encore sa guerre contre le droit à l’avortement, ou même le fait de se complaire dans une campagne de désinformation généralisée menée par Rupert Murdoch, campagne qui a éventuellement mené à l’élection douteuse de Donald Trump. Non, tant que M. O’Reilly faisait bondir les cotes d’écoute chez Fox News, on aimait bien s’installer dans cette position de pourvoyeur de fausses nouvelles en quantités industrielles, voire même d’endosser le rôle d’agitateur en chef avec des manchettes, des reportages et des questions tendancieuses. Et ce parfois même jusqu’à l’extrême!
Service minimum, donc, chez Fox News, qui n’avait plus le choix de réagir, après avoir tu l’affaire pendant des années. Et on fait place nette comme si M. O’Reilly n’avait jamais existé. L’homme est remercié, remplacé, son émission est renommée. Pratiquement une non-personne dans le plus pur esprit de 1984.
Mais si Bill O’Reilly part, il ne verra probablement jamais l’intérieur d’une cellule de prison, voire même d’un tribunal. Il rejoindra donc ce club de moins en moins sélect où les hommes de pouvoir (et très généralement blancs), soupçonnés des pires bassesses sur des représentantes du sexe féminin, se la coulent relativement douce à l’abri des regards. Il pourra aller trinquer avec Marcel Aubut, Gerry Sklavounos, Brock Turner (ce violeur d’une étudiante ayant écopé d’à peine trois mois de prison), Bill Cosby et tous les autres. Sans oublier ceux qui ne sont pas accusés ou soupçonnés de quoi que ce soit, mais qui contribuent à renforcer le sexisme latent dans notre société. Chroniqueurs dans les journaux et à la radio, commentateurs sur le web, grossiers personnages de tout poil… O’Reilly n’est que l’une des têtes d’une hydre non seulement monstrueuse, mais qui dégage une écoeurante odeur de pourriture.