La décision de la Cour suprême du Venezuela d’assumer les pouvoirs de l’Assemblée nationale, où l’opposition est majoritaire, a provoqué jeudi des réactions indignées contre le président Nicolas Maduro, accusé de se comporter en « dictateur » et d’avoir commis un « coup d’État ».
Dénonçant une décision « anticonstitutionnelle », l’Unité démocratique, organisation qui fédère plusieurs groupes de l’opposition vénézuélienne, y a vu « un nouveau pas vers le démantèlement de la démocratie au Venezuela » et une réplique de la fermeture du Congrès ordonnée en 1992 au Pérou par Alberto Fujimori, alors président. « Le gouvernement est en train de mourir, c’est la raison pour laquelle il a recours à de telles mesures désespérées », ajoute la coalition.
Julio Borges, le président de l’Assemblée nationale, a dénoncé pour sa part un « coup d’Etat » mené par Nicolas Maduro. « C’est une dictature », a-t-il dit jeudi lors d’une conférence de presse, fustigeant « ceux qui ont enlevé la constitution, les droits et la liberté des Vénézuéliens ».
Un autre opposant, Henrique Capriles, a appelé la communauté internationale à réagir. « Si la communauté internationale reste ferme, exigeant des élections, nous sommes convaincus que le gouvernement devra faire marche arrière. Nous insistons sur une solution démocratique », a dit l’ancien adversaire de Maduro à l’élection présidentielle de 2013.
Coup ultime
Les états-Unis se sont élevés contre une « rupture des normes démocratiques et constitutionnelles » qui, a dit le porte-parole du département d’État, Mark Toner, « nuit gravement aux institutions démocratiques du Venezuela et prive le peuple vénézuélien du droit de façonner l’avenir de son pays par ses représentants élus ».
Washington a appelé « au rétablissement des pouvoirs de l’Assemblée, à la tenue d’élections aussi vite que possible et à la libération immédiate de tous les prisonniers politiques ».
Le secrétaire général de l’Organisation des États américain (OEA), Luis Almagro, a jugé que le gouvernement Maduro avait mené un « auto-coup d’Etat » et porté un « coup final par lequel le régime subvertit l’ordre constitutionnel du pays et en finit avec la démocratie ». Il a sollicité la convocation d’une réunion d’urgence du conseil permanente de l’OEA pour discuter de la situation au Venezuela.
Le Mexique a dénoncé une attaque contre la démocratie et la séparation des pouvoirs et réclamé de « rétablir l’ordre démocratique ».
Le Pérou, parmi les premiers pays de la région à réagir, a fustigé de son côté une « rupture de la démocratie » et rappelé son ambassadeur en poste à Caracas.
« Complot »
Pour le gouvernement Maduro, ces réactions sont la preuve d’un complot de la droite sud-américaine contre le Venezuela.
« Nous rejetons le soutien grossier apporté par le gouvernement péruvien à des secteurs violents et extrémistes du Venezuela », a commenté dans une série de tweets la ministre des Affaires étrangères, Delcy Rodriguez. « Nous dénonçons cette attaque de concert de la droite régionale contre le système démocratique vénézuélien, de base populaire et d’inspiration bolivarienne », a-t-elle ajouté.
Au lendemain de la levée de l’immunité parlementaire dont jouissaient les députés, les juges de la Cour suprême ont fait savoir tard mercredi soir qu’ils assumeraient les fonctions de l’Assemblée nationale « tant que durera la situation de mépris » des institutions dans laquelle elle se trouve.
Le Tribunal suprême de justice (TSJ) annulait systématiquement déjà depuis des mois toutes les décisions de l’Assemblée nationale, au motif que trois députés d’opposition accusés de fraude électorale y ont prêté serment à la fin 2015.
Dès mercredi soir, les juges suprêmes ont autorisé le président Maduro à créer des coentreprises dans le secteur pétrolier, sans l’accord préalable du Congrès.
L’opposition cherche depuis des mois à obtenir la révocation du successeur de Hugo Chavez, qu’elle accuse d’incompétence et de tendances dictatoriales. Malgré ses efforts, un référendum révocatoire n’a pu être organisé l’an dernier.
Le mandat de Maduro s’achève en janvier 2019.
Un commentaire
Pingback: Au Venezuela, on se rue dans les épiceries après une baisse des prix