Cela n’était, après tout, qu’une question de temps: l’annonce tombée lundi soir vient pratiquement confirmer que Gabriel Nadeau-Dubois se lancera en politique sous la bannière de Québec solidaire. Pour l’un des anciens porte-parole du mouvement étudiant lors du « printemps érable », le geste a des allures de retour au bercail.
Voilà cinq ans que le jeune homme avait captivé les foules et les médias de la province en se faisant le porte-étendard de la CLASSE, l’une des branches les plus affirmées du mouvement étudiant lors de la grève de 2012 et des bouleversements qui en ont découlé. Fort en gueule, sûr de lui, Gabriel Nadeau-Dubois n’a jamais caché ses qualités de bon orateur.
Quant à un véritable plongeon en politique, il est étonnant qu’il ait fallu cinq ans pour qu’il se décide à sauter dans l’arène. Après tout, le terreau est fertile: un gouvernement extrêmement usé gouvernant à la petite semaine qui semble s’amuser, depuis son arrivée au pouvoir, à détruire le filet social québécois pour laisser la place à un « effet libéral » qui ne semble pas se manifester; une opposition officielle venant tout juste d’entamer une cure de rajeunissement attendue depuis des années; et un deuxième groupe d’opposition qui ne parvient pas non plus à faire entendre ses idées, trop occupé qu’il est à se faire subtiliser ses politiques et ses candidats par les libéraux.
Même si l’on peut imaginer que M. Nadeau-Dubois se présentera dans la circonscription de Gouin pour reprendre le flambeau de Françoise David, la partie n’est pas gagnée pour autant. Oui, l’ex-porte-parole étudiant devrait sans peine effectuer son entrée à l’Assemblée nationale, mais rien ne garantit que ce remplacement de Mme David soit l’étincelle suffisante pour raviver la passion populaire envers Québec solidaire – si tant est qu’une telle passion ait déjà existé. Oh, Manon Massé a bien réussi à grappiller un troisième siège solidaire aux dernières élections, contre un Parti québécois en pleine débandade, mais à l’extérieur de Montréal, voire même à l’extérieur des circonscriptions au passif péquiste, les possibles gains de QS semblent bien minces.
Ceci étant dit, l’arrivée de M. Nadeau-Dubois servira fort probablement à relever le niveau du discours intellectuel à l’Assemblée nationale. Tous les députés et ministres ne sont pas à mettre dans le même panier, mais la partisanerie a une vilaine tendance à régner en maître au Salon bleu, au grand détriment du travail politique comme tel. À preuve, si le Québec a bien eu droit à une semaine de trêve après l’horrible attentat de Ste-Foy, la « chicane » a repris de plus belle par la suite, le premier ministre Couillard étant plus qu’heureux de reléguer aux oubliettes la question du port de signes religieux ostentatoires, et ce immédiatement après le changement d’avis du philosophe Charles Taylor sur cette question.
L’arrivée de Gabriel Nadeau-Dubois chez QS permettra-t-elle d’élire un gouvernement solidaire majoritaire l’an prochain? Il y a de fortes chances que non. Mais on pourra probablement espérer que le jeune politicien en devenir tentera de faire avancer les idées détaillées dans l’essai Ne renonçons à rien.
Ce serait dommage, après tout, de « tabletter » l’initiative Il faut qu’on se parle…