Les banques les plus présentes à Londres ont l’intention d’accentuer leurs efforts de lobbying auprès des autorités européennes car elles peinent à convaincre le gouvernement britannique de préserver leur accès au marché unique après la sortie du Royaume-Uni de l’Union.
Le secteur bancaire a dans un premier temps privilégié les contacts avec les autorités britanniques dans l’espoir d’obtenir des garanties sur un accès le plus étendu possible au marché unique européen une fois le Brexit effectif. Les contacts avec les responsables européens ont donc été plus rares, a-t-on appris de plusieurs sources du secteur.
La stratégie des banques est aujourd’hui en train d’évoluer car après des dizaines de réunions, de rapports et d’études ces sept derniers mois, et malgré les avertissements sur les risques de délocalisations hors de Londres en l’absence de garanties sur l’avenir de la City, le secteur a l’impression d’être à court d’arguments.
La première ministre, Theresa May, a déclaré dimanche ne pas être intéressée par le maintien de « morceaux » du statut de membre de l’UE, ce que certains ont interprété comme l’expression d’une volonté de favoriser la maîtrise des flux migratoires sur l’accès au marché unique.
Désormais, les banques prévoient de lancer une nouvelle campagne de lobbying pour mettre en avant l’impact qu’un Brexit « dur » aurait sur l’UE comme sur le Royaume-Uni. Elles prévoient de cibler des responsables politiques français, les autorités de régulation européennes et des responsables gouvernementaux. « La bataille de Grande-Bretagne est terminée, la bataille de France va commencer », a déclaré un lobbyiste.
Un autre professionnel du lobbying travaillant pour l’une des grandes banques impliquées a expliqué qu’il allait passer plus de temps à Bruxelles cette année, avec pour « cibles » prioritaires Michel Barnier, désigné par l’UE pour diriger les négociations avec Londres, et ses équipes, ainsi que Didier Seeuws, un diplomate belge qui participe à la coordination des pourparlers. Un troisième lobbyiste a déclaré avoir l’intention de se rendre à Paris d’ici la fin du mois pour rencontrer des responsables français.
Compromis espéré
Le statut de première place financière d’Europe détenu par Londres constitue l’un des principaux enjeux des discussions sur le Brexit, certains responsables européens voyant dans le processus une opportunité pour remettre en cause la domination britannique sur la finance européenne.
La finance est le plus important secteur de l’économie du Royaume-Uni et représente environ 10% de l’activité. Mais au-delà, comme l’a souligné en novembre le gouverneur de la Banque d’Angleterre, Mark Carney, la Grande-Bretagne joue le rôle de « banquier d’investissement de l’Europe », puisque plus de la moitié des émissions d’actions et d’obligations réalisées par les entreprises et les États d’Europe se font au Royaume-Uni.
Les banques entendent donc plaider le fait que l’UE est dépendante de la solidité du secteur financier britannique et qu’un accès réduit de Londres au marché unique pourrait compromettre la stabilité financière de la région.
Le gouvernement britannique, de son côté, a appelé en privé les institutions financières à plaider leur cause en Europe si elles souhaitent disposer d’une période de transition.
Fin novembre, le ministre des Finances, Philip Hammond, a conseillé à des dirigeants du secteur de faire du lobbying dans ce sens auprès des autorités européennes, ont rapporté deux personnes présentes à cette occasion. « Il a laissé entendre que nous devions aider le gouvernement à préparer le terrain », a ajouté l’une d’elles.
Un porte-parole du Trésor, qui a requis l’anonymat, a répété les déclarations antérieures de Philip Hammond sur le fait que l’Europe se lèserait elle-même si elle utilisait le Brexit pour affaiblir la position financière de Londres.
Des banquiers estiment nécessaire de poursuivre les discussions en vue de trouver un terrain d’entente sur la nature d’une période de transition. Mais les responsables européens n’entendent pas aborder le sujet avant que le gouvernement de Theresa May ait invoqué formellement l’article 50 du traité de Lisbonne, ce que Londres a promis de faire d’ici fin mars.
« Chacune a une définition différente de ce que cela signifie, en Europe comme au sein du gouvernement britannique. Nous essayons de parvenir à une conception commune de ce que signifie la transition » a dit l’un des lobbyistes.