Une reprise du commerce international est nécessaire pour que la croissance économique mondiale accélère, estiment des économistes interrogés par Reuters qui ne s’attendent pas à un arrêt des politiques monétaires ultra-accommodantes mises en oeuvre par les banques centrales depuis des années pour tenter de ranimer l’inflation.
Au cours des derniers mois, plusieurs grandes banques centrales, de l’Inde au Brésil en passant par la Grande-Bretagne, ont adopté ou sont sur le point d’adopter des politiques plus accommodantes et la Réserve fédérale américaine n’en apparaît que plus isolée dans sa tentative de normalisation monétaire qui pourrait la conduire à relever ses taux en décembre.
Un sentiment de malaise semble gagner les investisseurs, illustré par la remontée des taux longs, les hésitations des marchés actions, proches de plus hauts historiques dans certains pays, et la remontée des cours du pétrole.
Certaines économies émergentes, comme celle de l’Inde, affichent une santé solide. Le Brésil semble avoir tourné la page de la récession. L’Australie, qui peut se targuer de près d’un quart de siècle de croissance quasi-continue, est bien partie pour continuer sur sa lancée. Mais aucun de ces pays n’a suffisamment de poids pour peser sur une croissance mondiale médiocre et sans ressort depuis la sortie de la crise de 2008-2009.
Le ralentissement de la croissance de la Chine, deuxième économie mondiale, devrait se poursuivre avec sa réorientation vers la demande intérieure au détriment de l’investissement et de l’export, sans parler des risques liés à un marché immobilier surévalué.
« Une reprise des échanges internationaux en volume est nécessaire à une croissance économique stable », prévient Yoshimasa Maruyama, économiste chez SMBC Nikko Securities. L’économie américaine ne devrait pas croître de beaucoup plus que de 2% l’an jusqu’à la fin 2017 avec un net ralentissement des créations d’emploi et guère d’optimisme au sein des économistes interrogés sur une accélération de l’investissement des entreprises.
L’Europe est promise à une croissance et à une inflation faibles dans un contexte d’incertitudes encore accentuées par le référendum britannique en faveur d’une sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne (Brexit).
Inflation à la baisse
Les perspectives de croissance de l’économie britannique sont jugées nettement plus faibles qu’elles ne l’étaient avant le scrutin et la chute de la livre sterling devrait pousser l’inflation au-dessus de l’objectif à moyen terme de la Banque d’Angleterre dès l’année prochaine. Si la croissance de l’économie mondiale devrait se raffermir en 2017, les économistes ont abaissé leurs prévisions depuis le début de l’année, tout comme les organismes internationaux, à l’instar du Fonds monétaire international (FMI).
La prévision médiane des quelques 500 économistes interrogés par Reuters sur la semaine écoulée ressort à 2,9% pour cette année puis à 3,2% en 2017, des chiffres quasi inchangés par rapport à la précédente enquête réalisée en juillet.
Ils ont en revanche sensiblement révisé en baisse leurs prévisions sur l’inflation pour la plupart des pays. « Malgré tous les efforts des banques centrales, la croissance mondiale est laborieusement lente et l’inflation toujours trop faible. Nos prévisions pour les deux prochaines années sont que cela va plus ou moins continuer sur la même tendance », écrit Janet Henry, économiste chez HSBC.
« Alors que la capacité des banques centrales à mettre en oeuvre de nouvelles stimulations monétaires est de plus en plus mise en doute et que l’efficacité de leurs mesures reste incertaine, la politique budgétaire joue un rôle plus important. »
Relancer les échanges internationaux est plus important pour l’économie mondiale que de soutenir l’inflation ont dit près des trois quarts des plus de 200 économistes qui ont répondu à une question sur ce thème.
La croissance des échanges mondiaux en volume ralentit depuis plusieurs années. Le mois dernier, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a abaissé de plus d’un tiers sa prévision de progression des échanges mondiaux en volume cette année.
Dans la dernière livraison de ses perspectives économiques mondiales, le FMI a souligné que le rythme de croissance des échanges mondiaux en volume était plus de deux fois moins rapide actuellement qu’au cours des trois décennies précédentes.
Au-delà du Brexit, le contexte politique en Europe mais aussi aux Etats-Unis est de moins en moins favorable à un renforcement du libre échange et de la mondialisation comme en témoigne la contestation croissante des projets d’accords commerciaux internationaux en cours de négociation.
« Le Brexit a été le choc le plus récent et le choc mondial potentiel le plus important est une dérive en faveur du protectionnisme aux États-Unis, tout particulièrement en cas de victoire du candidat républicain Donald Trump à l’élection présidentielle », a dit Ethan Harris, économiste de BofA Merrill Lynch.
Une victoire de la candidate démocrate Hillary Clinton, considérée comme plus favorable aux accords commerciaux internationaux, serait bénéfique à la croissance à long terme, ont très majoritairement dit les économistes chargés de l’économie américaine qui ont répondu à une question spécifique sur ce sujet.