Les autorités bosniaques ont confirmé lundi l’élection du serbe Mladen Grujicic au poste de maire de Srebrenica, ville martyre de la guerre en Bosnie où 8000 Musulmans, hommes et adolescents, ont été tués par des séparatistes bosno-serbes.
Pour les familles des victimes, l’élection de Mladen Grujicic, un nationaliste qui refuse contre l’avis de la justice internationale le qualificatif de « génocide » pour le massacre de Srebrenica, est le signe que la campagne de purification ethnique a atteint ses objectifs. La ville était dirigée par des élus bosniaques musulmans depuis 1999.
À la tête d’une associations de survivants, Hatidza Mehmedovic est l’une des premières de la communauté musulmane de Bosnie-Herzégovine à être revenue à la fin de la guerre, soucieuse d’être proche de la tombe de son mari et ses deux fils, tués dans le massacre. « Tout à Srebrenica est serbe: la terre, les champs, les groupes publics », déclare-t-elle, regrettant l’échec de la diplomatie occidentale à préserver la diversité ethnique qui caractérisait la Bosnie avant le début de la guerre en 1992.
Signés le 14 décembre 1995, les accords de Dayton, qui ont mis fin aux combats inter ethniques, ont instauré un gouvernement fédéral ménageant la mosaïque ethnique du pays. Le processus de décentralisation en trois cantons autonomes a cependant consacré les lignes ethniques dessinées par les forces croates et serbes, jugent ses détracteurs. La grande région bosniaque du pays est la Fédération de Bosnie-et-Herzégovine.
Srebrenica, qui comptait avant la guerre une majorité de Musulmans, est passée en vertu du traité dans le giron de la République serbe de Bosnie. Ses 7500 habitants sont désormais serbes à 55%, et bosniaques musulmans à 45%.
Le nouvel élu a fait campagne en réclamant la fin des discriminations contre les Serbes de Srebrenica, estimant en outre que la Cour pénale internationale de La Haye n’avait jamais apporté la preuve de la qualification de génocide. « Quand ils prouveront que c’est la vérité, je serais le premier à l’accepter », a-t-il déclaré.
Son rival électoral, le bosniaque Camil Durakovic, a promis de constester le résultat de l’élection, la jugeant « truquée ». Zulfo Salihovic, un responsable politique bosniaque local, s’inquiète pour le futur: « Nous craignons que les Bosniaques et d’autres citoyens qui pensent différemment des dirigeants des parti nationalistes serbes soient humiliés, harcelés ou fassent l’objet de discriminations », dit-il.
Au début de la vague de retours bosniaques dans la ville, pour l’essentiel des femmes en deuil, en 2000, la communauté internationale leur avait promis protection. Aujourd’hui, nombre d’entre elles craignent d’être à nouveau chassées.
Le massacre de Srebrenica, alors une « zone de sécurité » sous protection théorique de l’ONU, a déclenché des frappes aériennes occidentales sur les forces serbes, qui ont conduit à la fin du conflit en 1995.
L’ancien dirigeant bosno-serbe Radovan Karadzic a été reconnu coupable du chef d’accusation de génocide pour le massacre de juillet 1995 à Srebrenica, par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY). Il a fait appel en juillet de sa condamnation.