Paris et Berlin ont appelé mardi à la mise en place, au niveau européen, d’une réglementation obligeant les opérateurs de messageries cryptées à coopérer avec les États de l’Union lors d’enquêtes judiciaires sur des réseaux terroristes.
De nombreux services de messagerie électronique cryptée sont utilisés par les djihadistes, ce qui complique la tâche des enquêteurs.
L’application Telegram, créée par un Russe, est ainsi très prisée par les adeptes du groupe État islamique, qui l’utilisent pour répandre leur propagande et communiquer entre eux.
« Les échanges de plus en plus systématiques opérés via certaines applications telles que Telegram doivent pouvoir, dans le cadre de procédures judiciaires, (…) être identifiés et utilisés comme élément de preuve par les services d’investigation et les magistrats », a déclaré lors d’un point presse le ministre de l’Intérieur français Bernard Cazeneuve.
« Nous proposons donc aujourd’hui que la Commission européenne étudie la possibilité d’un acte législatif rapprochant les droits et les obligations de tous les opérateurs proposant des produits ou des services de télécommunications (…) dans l’Union européenne, que leur siège juridique soit ou non en Europe », a-t-il ajouté aux côtés de son homologue allemand, Thomas de Maizière, qu’il recevait place Beauvau.
Au moins un des deux tueurs du prêtre Jacques Hamel, assassiné le 26 juillet lors de la messe dans une église de Saint-Étienne du Rouvray (Seine-Maritime), communiquait via Telegram.
Le débat sur l’accès aux échanges cryptés entre djihadistes sur téléphones intelligent est ravivé après chaque attentat.
Telegram muet
L’objectif de la proposition franco-allemande, écrit Reuters, est de parvenir à imposer à des opérateurs non coopératifs de déchiffrer certains messages.
En clair, il s’agit de pouvoir accéder, sur réquisition judiciaire, à des échanges cryptés comme s’ils étaient « en clair », de la même manière qu’un enquêteur peut perquisitionner un appartement. Mais des experts appellent à la plus grande prudence, la cryptographie étant essentielle à la sécurité en ligne.
Pour les auteurs d’une tribune publiée lundi par Le Monde, dont la présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), Isabelle Falque-Pierrotin, la création de « portes dérobées » ouvrant un accès aux données chiffrées n’est pas sans risque : « Il est techniquement impossible de s’assurer que de tels accès ne soient disponibles qu’au profit des personnes autorisées », écrivent-ils.
Bernard Cazeneuve s’est défendu mardi de vouloir mettre en place un système remettant en cause la protection des données personnelles : « Il s’agit de déterminer les moyens (…) qui permettent aux enquêtes judiciaires d’aller à leur terme. » « Le niveau de coopération n’est pas le même suivant les opérateurs », a ajouté le ministre de l’Intérieur, citant directement l’application Telegram « pour laquelle les États ne disposent d’aucun interlocuteur ».
Les ministres de l’Intérieur français et allemand, qui ont transmis mardi des propositions communes à la Commission européenne, suggèrent par ailleurs de muscler les contrôles aux frontières, de renforcer l’usage de la biométrie pour lutter efficacement contre l’utilisation de vrais-faux passeports, et de mettre en place un système d’autorisation de voyage, dans l’Union, pour les personnes non soumises à visa.