Le premier ministre turc, Binali Yildirim, a intensifié lundi les pressions de la Turquie sur les États-Unis pour qu’ils extradent le prédicateur en exil Fethullah Gülen, accusé par Ankara d’être la cheville ouvrière de la tentative de putsch militaire de la nuit de vendredi à samedi.
« Nous serions déçus que nos amis (américains) nous demandent de présenter des preuves, alors même que les membres de l’organisation d’assassins cherchent à faire tomber un gouvernement élu, sous la direction de cette personne », a dit à l’issue du conseil des ministres Binali Yildirim, en faisant allusion à Gülen et à ses partisans en Turquie et à l’étranger.
« À ce stade, notre amitié pourrait même en souffrir », a ajouté le chef du gouvernement, avant de préciser que le coup d’État et ses répercussions avaient entraîné un total de 7543 arrestations, dont 6038 soldats. Le premier ministre a aussi parlé de 208 morts dans la tentative de coup de force: 60 policiers, trois soldats et 145 civils. Enfin, 1491 personnes ont été blessées.
À Bruxelles, le secrétaire d’État américain, John Kerry, a déclaré que son pays ne procéderait pas à l’extradition de Fethullah Gülen tant qu’Ankara ne fournirait pas de preuves de l’implication de cet adversaire du président Recep Tayyip Erdogan dans le coup d’Etat avorté.
À Istanbul, le consulat général américain a dit lundi s’attendre à des manifestations à proximité du bâtiment et a conseillé aux ressortissants américains d’éviter le secteur.
Par ailleurs, les États-Unis ont également dit soutenir la Turquie dans sa volonté de traduire en justice les auteurs du coup d’Etat manqué mais appellent le gouvernement à préserver l’État de droit, a déclaré lundi le chef de la diplomatie américaine.
« Nous sommes sans ambiguïté du côté du pouvoir élu en Turquie », a dit John Kerry lors d’une conférence de presse à l’issue d’une rencontre avec ses homologues européens, à Bruxelles.
« Mais nous exhortons avec fermeté le gouvernement turc à maintenir le calme et la stabilité dans le pays », a ajouté le secrétaire d’État américain, trois jours après la tentative d’une partie de l’armée de renverser le pouvoir.
« Nous appelons également le gouvernement turc à maintenir les normes les plus strictes (…) de l’État de droit. Nous allons bien sûr soutenir les efforts destinés à juger les putschistes mais nous mettons aussi en garde contre une justice qui irait bien au-delà de ça », a-t-il encore dit.
État de droit et intégration européenne
Un pays qui applique la peine de mort ne peut pas être membre de l’Union européenne, a déclaré lundi un porte-parole du gouvernement allemand, au lendemain des propos de Recep Tayyip Erdogan laissant penser qu’elle pourrait être rétablie en Turquie.
« L’Allemagne et les pays membres de l’UE ont une position claire à ce sujet: nous rejetons catégoriquement la peine de mort », a déclaré Steffen Seibert lors d’une conférence de presse à Berlin.
« Un pays qui a la peine de mort ne peut être membre de l’UE et le rétablissement de la peine capitale en Turquie aurait pour conséquence l’arrêt des négociations sur l’adhésion », a-t-il continué.
La Turquie, qui ambitionne de rejoindre l’UE, a aboli la peine capitale en 2004 mais dimanche, en réponse à ses partisans, le président Erdogan a déclaré que l’État turc devait envisager de la rétablir, après le putsch manqué de vendredi soir.
Concernant la peine de mort, le premier ministre turc, Binali Yildirim, a paru lundi en retrait par rapport à Erdogan. Il a estimé qu’il ne convenait pas de prendre une décision dans la précipitation et a souligné que, si l’on ne pouvait ignorer les revendications de la population, le rétablissement de la peine capitale nécessiterait une modification de la Constitution.
Dans une interview que publie lundi le journal Kurier, le chef de la diplomatie autrichienne estime que le rétablissement de la peine de mort en Turquie serait « inacceptable ».
« Le rétablissement de la peine capitale serait évidemment tout à fait inacceptable », dit Sebastian Kurz.
La porte-parole de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, a elle aussi déclaré lundi à Bruxelles qu’un pays appliquant la peine de mort ne pouvait pas accéder à l’UE.