Après trois jours de deuil, la campagne pour le référendum a repris dimanche au Royaume-Uni où les sondages suggèrent un glissement en faveur d’un maintien dans l’Union européenne après le meurtre de la députée Jo Cox.
De Boris Johnson, le champion des pro-Brexit, à David Cameron, le principal avocat d’un maintien dans l’UE, les principaux acteurs ont multiplié les interviews à quatre jours de la consultation à très hauts risques.
« Une fois que vous avez sauté de l’avion, il n’y plus moyen de remonter. Si on part, c’est pour toujours, il n’y a pas de retour possible », a martelé David Cameron dans une interview au Times en évoquant un « choix existentiel ».
Le premier ministre a comparé Boris Johnson et Michael Gove, les chefs de file du Brexit, à des parents irresponsables qui mettraient leur famille dans « une voiture dont les freins sont défectueux et le réservoir fuit ».
Dans la soirée, il a enfoncé le clou lors d’un débat avec les spectateurs sur la BBC, en invoquant le Premier ministre britannique pendant la deuxième guerre mondiale, Winston Churchill, pour affirmer que les Britanniques « ne sont pas des lâches » et « se battront » au sein de l’Union européenne.
Boris Johnson a répété dans une interview au Sun on Sunday que les Britanniques n’avaient « rien à craindre » d’un Brexit et qu’ils avaient, au contraire, une « occasion unique de reprendre le contrôle ».
À Birstall, la petite ville du nord de l’Angleterre où Jo Cox a été sauvagement tuée jeudi, une cérémonie religieuse a été célébrée à la mémoire de la députée proeuropéenne.
Effet « Jo »
Le meurtrier présumé, Thomas Mair, est toujours en détention dans la prison de haute sécurité de Belmarsh, au sud-est de Londres. « Mort aux traîtres, liberté pour le Royaume-Uni », a lancé cet homme de 52 ans samedi lors de sa première comparution devant le tribunal.
Il doit comparaître de nouveau lundi. La magistrate a ordonné une expertise psychiatrique.
Les analystes préféraient rester prudents quant à l’impact du meurtre sur l’issue du référendum.
Mais plusieurs sondages rapportent un glissement sensible en faveur du camp du « remain », le maintien dans l’UE, qui rattrape son retard en faisant désormais jeu égal à la moyenne de six dernières enquêtes d’opinion.
« L’effet Jo », soulignait même le Sunday Mirror en commentant un sondage ComRes. Conduit jeudi, celui-ci montre une grande différence dans les réponses selon qu’elles ont été recueillies avant ou après le meurtre de Jo Cox.
À la proposition « je serai ravi si nous votions » pour un Brexit, ils étaient 45% à répondre par l’affirmative avant 14h00, soit seulement une heure après les faits tragiques. Ils n’étaient plus que 38% à partir de 14h00.
Le premier sondage réalisé dans son intégralité après le drame, par l’institut Survation, place, lui, le maintien dans l’UE en tête à 45%, devant une sortie de l’UE à 42%, alors que leur précédente enquête concluait à l’exact résultat inverse.
Affiche « répugnante »
Directeur de recherche de l’institut YouGov, Anthony Wells a estimé qu’un « retour vers le statu quo semble avoir le vent en poupe ».
Nigel Farage, le leader du parti europhobe UKIP, a dit sur le plateau d’ITV que le camp du Brexit était « sur une bonne dynamique jusqu’à cette terrible tragédie », laissant entendre qu’elle était désormais stoppée.
Interrogé par le Herald Scotland, le député du parti national écossais Alex Salmond a estimé que le drame « pourrait avoir un impact significatif ». Il pourrait aussi « avoir un effet durable sur la manière de conduire la politique et de sortir du caniveau », a-t-il ajouté.
Sur ITV, le ministre des Finances, George Osborne, a également appelé de ses voeux « un débat plus apaisé après la mort tragique de Jo » Cox, tout en rappelant les « énormes risques » d’un Brexit.
Il a dénoncé la dernière affiche de campagne de Nigel Farage mettant en scène une colonne de réfugiés et barrée du slogan « Breaking Point » (Point de rupture), publiée juste avant le meurtre de Jo Cox.
« C’est une affiche répugnante et ignoble qui rappelle la propagande nazie des années 1930 », a-t-il dit.
L’affiche a été jugée nauséabonde jusqu’au sein même du camp du Brexit. Michael Gove, le ministre de la Justice, a avoué sur la BBC avoir « frissonné » à sa vue.
En contrepoint, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées devant le Parlement à Londres, ainsi qu’à Paris, Berlin et Rome, pour participer à une « chaîne du baiser » visant à « montrer l’amour ente la Grande-Bretagne et l’Europe et à rejeter la campagne de haine du référendum », ont expliqué les organisateurs.