L’Azerbaïdjan et les autorités séparatistes de la région disputée du Nagorny-Karabakh ont annoncé mardi avoir conclu un accord de cessez-le-feu, salué par l’OSCE, après quatre jours d’intenses combats qui ont fait au moins 73 morts.
La Russie et un groupe de médiateurs internationaux – américains, français et russes -, parrains du fragile processus de paix dans cette région stratégique du Caucase, ont immédiatement appelé les belligérants à respecter leurs engagements.
Ce conflit oppose, depuis l’éclatement de l’URSS, l’Azerbaïdjan et les autorités de la région séparatiste du Nagorny-Karabakh, soutenue par l’Arménie.
Peu après l’annonce de la trêve, le président russe Vladimir Poutine a eu des entretiens téléphoniques avec ses homologues arménien et azerbaïdjanais, Serge Sarkissian et Ilham Aliev. Il « a appelé les deux parties à assurer d’urgence l’arrêt total des combats et à respecter le cessez-le-feu ».
Le chef de l’État russe a également souligné la nécessité pour les deux parties de relancer « le processus de négociations » pour permettre « un règlement pacifique » de ce conflit vieux de 28 ans.
Le groupe de Minsk sur le Karabakh, constitué au sein de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) de représentants de la France, des États-Unis et de la Russie et chargé de trouver une issue à ce « conflit gelé », a lancé un appel similaire.
Washington « soutient fermement le groupe de Minsk dans sa démarche de médiation juste et équitable pour résoudre le conflit », a souligné Mark Toner, porte-parole du département d’État, appelant lui aussi au respect du cessez-le-feu.
Les coprésidents du groupe de Minsk doivent se rendre « dans les prochains jours » à Erevan, à Bakou et dans le Nagorny-Karabakh, selon l’OSCE.
Le Premier ministre russe Dmitri Medvedev doit lui aussi se rendre à Erevan et Bakou dans les prochains jours.
Selon le ministère russe des Affaires étrangères, les chefs de la diplomatie russe, iranien et azerbaïdjanais évoqueront le conflit lors d’une rencontre prévue à Bakou mercredi, a indiqué l’agence RIA Novosti.
Gains territoriaux?
Les interrogations demeurent concernant le sort des territoires conquis par les armées de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan pendant les affrontements les plus violents qui les ont opposés ces vingt dernières années.
Les bombardements se sont arrêtés mardi après une nuit ponctuée par des tirs sporadiques d’artillerie, selon un photographe de l’AFP présent dans le village azerbaïdjanais de Terter, près de la ligne de front. Selon un autre journaliste de l’AFP présent à un point de contrôle du Nagorny-Karabakh près de la frontière iranienne, les bombardements ont cessé à la mi-journée.
L’Azerbaïdjan affirme avoir pris le contrôle samedi de plusieurs hauteurs stratégiques au Nagorny-Karabakh et a annoncé son intention d’y « renforcer » ses positions. Pour leur part, les autorités séparatistes, soutenues par l’Arménie, n’avaient affirmé être prêtes à discuter d’une trêve que si elles récupéraient le terrain perdu dans la région, reconnue comme appartenant à l’Azerbaïdjan par la communauté internationale.
Le président arménien avait estimé qu’un cessez-le-feu ne serait possible que si les militaires des deux camps retournaient aux positions qu’ils occupaient avant la reprise des hostilités.
Dénonçant une « provocation » arménienne, l’ambassadeur azerbaïdjanais aux États-Unis, Elin Suleymanov, a estimé que l’escalade « portait de l’ombre » à un rapprochement entre Washington et Bakou observé selon lui au sommet sur la sûreté nucléaire à Washington.
Le ministère azerbaïdjanais de la Défense a annoncé mardi soir la mort de 31 de ses soldats et de deux civils tandis que les responsables du Nagorny-Karabakh ont fait état de 35 combattants arméniens et cinq civils tués, ce qui porte le bilan à au moins 73 morts parmi les militaires et les civils des deux côtés depuis vendredi soir.
« Apocalypse »
La Turquie, alliée traditionnelle de l’Azerbaïdjan, a multiplié les déclarations fracassantes. Mardi, son premier ministre Ahmet Davutoglu a prévenu que son pays resterait aux côtés de l’Azerbaïdjan « jusqu’à l’apocalypse ».
Auparavant, le président Recep Tayyip Erdogan avait déjà pris le risque d’attiser les tensions en martelant que « le Karabakh retournera un jour, sans aucun doute, à son propriétaire originel », l’Azerbaïdjan.
Ce conflit, qui s’est cristallisé à l’époque soviétique lorsque Moscou a attribué ce territoire en majorité peuplé d’Arméniens à la république socialiste soviétique d’Azerbaïdjan, intervient dans une région stratégique pour le transport des hydrocarbures, à proximité de l’Iran, de la Turquie et du Proche-Orient.
L’escalade militaire est survenue au moment où la Russie, qui a de bonnes relations avec l’Arménie, et la Turquie traversent une grave crise diplomatique sur fond de guerre en Syrie.
Après une guerre dans les années 90 ayant fait 30 000 morts et des centaines de milliers de réfugiés, principalement azerbaïdjanais, le Nagorny-Karabakh est passé sous le contrôle de forces séparatistes proches d’Erevan.
Aucun traité de paix n’a été signé et après une période de calme relatif, la région a connu ces derniers mois une nette aggravation des tensions, Erevan estimant même fin décembre qu’on était revenu à la « guerre ».