Le bureau allemand anti-cartel enquête sur Facebook pour de présumés abus de pouvoir commercial en lien avec des violations des lois sur la protection des données, dans le cadre de la première enquête contre le réseau social pour avoir violé les lois sur la concurrence.
Selon ce qu’écrit Reuters, le chien de garde allemand dit croire que les conditions d’utilisation de Facebook à propos de l’utilisation des données des utilisateurs pourrait représenter un abus de sa position dominante dans le marché des réseaux sociaux. L’agence gouvernementale cherchera à savoir si les utilisateurs ont été correctement informés à propos de la façon dont leurs données personnelles seront récoltées par la compagnie.
Facebook, le plus grand réseau social de la planète avec 1,6 milliard d’utilisateurs mensuels, gagne son argent à l’aide de publicités personnalisées grâce aux données recueillies à propos des connexions sociales, des opinions et de l’activité de ses utilisateurs sur son service.
« Pour des services Internet financés par la publicité comme Facebook, les données des utilisateurs sont particulièrement importantes », a déclaré le président du Bureau fédéral allemand de la concurrence, Andreas Mundt. « Pour cette raison, il est essentiel de chercher à savoir, dans l’angle de l’abus du pouvoir commercial, si les consommateurs sont correctement informés à propos du genre et de l’ampleur des informations collectées. »
Mercredi, une porte-parole de Facebook a déclaré que l’entreprise « avait confiance qu’elle respectait la loi, et qu’elle prévoyait travailler avec le Bureau pour répondre à leurs questions ».
L’entreprise a essuyé les critiques de politiciens et responsables réglementaires allemands, où la protection des données est étroitement encadrée, à propos de ses pratiques en la matière, et sa réponse peu empressée face aux messages anti-immigrants publiés par des sympathisants néo-nazis
Engagé dans une offensive de charme, le cofondateur et président de Facebook Mark Zuckerberg a visité Berlin la semaine dernière. « Nous accueillons favorablement l’approche du Bureau de la concurrence », a confié à Reuters le commissaire de la protection des données de Hambourg Johannes Caspar. « Quiconque contrôle les données des utilisateurs possède un pouvoir sur le marché, et vice-versa. »
Des responsables de l’Union européens ont également annoncé leur appui envers le point de vue voulant que l’utilisation des données par Facebook pourrait exposer l’entreprise à des conséquences réglementaires sur des questions de concurrence.
Le Bureau de la concurrence a indiqué qu’il coordonnait son enquête avec la Commission européenne, d’autres agences pour la concurrence de l’Union européenne, les autorités allemandes responsables de la protection des données, ainsi que des groupes de protection des droits des consommateurs.
Les autorités françaises et irlandaises en matière de concurrence ont précisé qu’elles n’étaient pas activement impliquées dans le dossier allemand. De son côté, un porte-parole de l’agence belge n’a pas voulu confirmer si Bruxelles était partie prenante de l’affaire, tandis que l’agence britannique n’a pas commenté.
« Il s’agit d’un dossier inhabituel sous plusieurs aspects », souligne Mark Watts, responsable des questions de protection des données au sein de la firme d’avocats londonienne Bristows. Selon lui, il s’agit de la première fois où le volume de données personnelles détenues par une compagnie est un facteur important dans une enquête cherchant à déterminer si l’entreprise en question avait profité indûment de sa position privilégié sur le marché.
Facebook possède quatre des huit principaux réseaux sociaux de la planète, y compris son service éponyme, deux services de messagerie instantanée, WhatsApp et Facebook Messenger, ainsi que le service de partage de photos et vidéos Instagram.
Facebook compte également près de deux fois plus d’utilisateurs que son plus proche concurrent, le réseau chinois QQ, propriété de Tencent. Près de 84 pour cent des membres du principal réseau social de Facebook se trouvent à l’extérieur des États-Unis et du Canada, et ont généré, l’an dernier, près de la moitié des 18 milliards $ en revenus de l’entreprise.
Une compagnie peut potentiellement risquer une amende allant jusqu’à 10 % des profits aux mains des autorités allemandes si elle est reconnue coupable d’avoir profité indûment d’une position dominante dans un marché. Mais le Bureau de la concurrence n’a jamais exigé l’amende maximale.
Données à foison
Les responsables de la réglementation européenne ont commencé à débattre du rôle offert aux géants du marketing web et du commerce numérique par les vastes collections de données tirées de milliards de recherches en ligne, de messages et d’autres interactions numériques, et de quelle façon ces données compliquent la vie des petites entreprises oeuvrant dans ces domaines.
« Les données personnelles sont souvent la monnaie que paient les consommateurs pour des services supposément gratuits », affirme Klaus Mueller, président de la Fédération des groupes de consommateurs allemands. « Les consommateurs ne disposent pas d’alternative adéquate. Ils ne peuvent pas simplement transférer leurs données vers d’autres portails. »
Le Bureau de la concurrence a déjà signalé, le mois dernier, qu’il était prêt à évaluer les questions de protection des données comme soulevant des problèmes en matière de concurrence. Du côté de la Commission européenne, le porte-parole Ricardo Cardoso a fait savoir que Bruxelles partageait la vision du Bureau allemand de la concurrence à savoir que la simple violation des règles de protection des données par une compagnie dominante ne représentait pas immédiatement une violation des règles de la concurrence.
« Cependant, il ne peut pas être exclu qu’un comportement violant les règles de protection des données puissent aussi s’avérer utile lorsqu’il est question d’enquêter sur une possible violation des règles européennes en matière de concurrence », a-t-il ajouté, sans vouloir commenter la nouvelle affaire.
Par le passé, l’UE avait accusé Google, l’un des rivaux de Facebook, de favoriser indûment son propre service de magasinage en ligne dans les résultats de recherche, aux dépens de ses concurrents, et en est à l’étape d’évaluer de possibles sanctions contre le géant de la recherche en ligne.
Cependant, la commission avait précédemment évalué et rejeté les questions de données en vrac lorsqu’elle a approuvée l’achat, par Google, de la firme de marketing web DoubleClick en 2008, et l’achat de WhatsApp par Facebook, en 2014.