Adieu, Beethoven, Mozart et les autres, place aux grands noms du rock progressif et psychédélique, du moins le temps d’un concert en pleine Nuit blanche montréalaise. À la Maison symphonique, la soirée de samedi était ainsi consacrée à de la musique « orgue’n’roll », soit des reprises de grands succès de Pink Floyd à Frank Zappa, avec l’aide du grand orgue Pierre-Béique. Tout un programme!
Sur scène, le trio français RCM, formé d’Yves Rechsteiner à l’orgue, d’Heri-Charles Caget aux percussions, et de Frédéric Maurin à la guitare électrique. Et dans la salle, plutôt que les têtes blanches habituelles, on comptait surtout des têtes grises. Rien pour excessivement rajeunir le public, soit, mais il y avait fort à parier que les spectateurs qui se trouvaient samedi à la Maison symphonique avaient été sermonnés, durant leur adolescence, en faisant jouer un peu trop fort la même musique prévue au programme du concert. Il y avait aussi quelques jeunes, dont ce journaliste, qui a probablement passé trop de temps à écouter CHOM FM, ou à traîner dans des zones musicales étranges sur YouTube.
Orgue et rock progressif, bref. Avec nulle autre pièce que Fanfare for the Common Man d’Emerson, Lake & Palmer à déguster en ouverture. L’original de l’oeuvre est d’ailleurs interprété avec les mêmes instruments, si ce n’est qu’à l’époque, l’orgue était un synthétiseur analogue, plutôt qu’une gigantesque installation capable d’ébranler un bâtiment en entier.
Si cette mise en bouche s’est probablement avérée relativement facile à adapter, la transcription des pièces suivantes a dû donner du fil à retordre aux musiciens, qu’il s’agisse de Pink Floyd, de Frank Zappa, de King Crimson ou de Pat Metheny, tous inscrits au programme de la soirée de samedi. Sans partie chantée, plusieurs de ces pièces perdent de leur mordant. Difficile, par exemple, d’imaginer Shine on You Crazy Diamond sans ses paroles! Néanmoins, le résultat était presque à la hauteur des attentes. Ce qui a douché les ardeurs, en fait, ce n’est pas l’adaptation comme telle des diverses pièces, ni la transposition des partitions pour pouvoir les jouer à l’orgue, mais plutôt l’anticipation de l’équivalent d’un concert de rock.
Lors d’un tel concert, généralement, on a ainsi droit à des jeux de lumière, un certain enthousiasme de la part des musiciens, mais surtout, à un niveau d’intensité sonore relativement important. Pas au point de devoir traîner ses bouchons à la Maison symphonique, quand même, mais la prestation de samedi soir donnait hélas l’impression de ruer dans les brancards sans que les musiciens puissent vraiment mettre toute la gomme. Comment « embarquer » dans un concert si on a l’impression de devoir faire moins de bruit, sinon quelqu’un ira se plaindre?
Ajoutez à cela le petit délai entre l’utilisation du clavier de l’orgue et la production des notes, ainsi que l’acoustique de la salle, qui n’est pas vraiment adaptée au rock, et vous obtenez une prestation en demi-teinte où le trio donne certainement l’impression de maîtriser son art, mais où le contexte ne convient pas tout à fait à une célébration de la musique psychédélique.