Carl Brière joue gros: après avoir travaillé pour des éditeurs et des distributeurs de jeux de société qui avaient pignon sur rue ici comme ailleurs, voilà qu’il a créé Synapses Games, une maison d’édition québécoise qui doit lancer son premier titre, Incubation, en septembre. Portrait d’un secteur économique en pleine transformation.
Au premier abord, M. Brière n’était pas destiné à s’intéresser au domaine du jeu de société. « J’avais étudié en science, et ils ont éventuellement fermé le centre de recherche; j’avais un bébé naissant, et il fallait donc que je me retrouve un emploi rapidement. Je suis donc retourné aux études, et je travaillais à temps partiel dans un entrepôt de jeux de société qui était à côté de chez moi. C’était Filosofia, à l’époque, qui faisait Catan en français et Pandémie« , mentionne-t-il au bout du fil.
« En travaillant dans le milieu, j’ai commencé à m’intéresser beaucoup (au domaine). On m’a offert un emploi pour devenir représentant des ventes au Québec. De fil en aiguille, c’est là que je me suis mis à toucher à toutes sortes de projets, et ma connaissance des jeux et du marché a évolué en très peu de temps. »
Voilà donc que Carl Brière décide de tenter le coup en créant sa propre maison d’édition. Le premier titre, Incubation, propose aux joueurs de faire preuve d’audace et de détermination pour incuber des oeufs de dragons et ainsi accumuler une petite fortune.
Ce jeu, et les deux autres qui sont aussi en préparation, Crazy Tower et Coatl, s’inscrivent dans un contexte où il n’y a jamais autant de joueurs, mais aussi autant de jeux. Les conditions du marché sont-elles donc propices, en ce moment, à l’arrivée d’une nouvelle entreprise? « Oui, mais en même temps, mon segment de jeu est très précis. Je veux vraiment des jeux très faciles d’accès et très familiaux », précise M. Brière.
« Le marché est encore en croissance, mais il y a plus de concurrence qu’il n’y en avait il y a cinq ans. À l’aide de mes 10 années d’expérience dans le domaine, je comprends un peu mieux ce qui pousse les gens à revenir vers un jeu, à lancer une nouvelle partie. Je veux vraiment créer un catalogue pour des nouvelles personnes qui ne sont pas habituées à jouer à des jeux de société, mais qui n’est pas ennuyant non plus pour ceux qui sont plus expérimentés. »
Pour se démarquer, dans ce contexte de forte concurrence, Carl Brière sépare les boutiques et autres magasins en deux catégories: tout d’abord, les vendeurs « spécialisés », catégorie dans laquelle il inclut également les succursales Archambault et Renaud-Bray, qui vendent des jeux depuis quelques années déjà. Ensuite, il y a les grands détaillants Walmart et Toys R’ Us, par exemple, qui vendent davantage des « jeux jouets », précise M. Brière.
« Je me dirige moins vers les grands détaillants… Par contre, en tant qu’éditeur, je ne ferai pas le démarchage directement. Ce sera mon distributeur, Asmodee Canada, qui s’occupera de cette question.
Un marché saturé?
Outre les éditeurs qui publient davantage de jeux, outre les pubs ludiques qui vendent également des titres, outre les événements spéciaux qui initient les néophytes, outre les indémodables que sont Monopoly et autres Clue, la plateforme de sociofinancement Kickstarter sert elle aussi de tremplin pour de nouveaux titres. Avec comme résultat que plusieurs centaines de jeux font leur apparition chaque année. Y a-t-il risque de noyer le marché sous une vague de jetons, cartes et autres dés?
« Effectivement, il y a énormément d’offre; j’ai l’impression que le marché sera éventuellement saturé, et ce n’est pas simplement la faute à Kickstarter. C’est un peu comme à la fin des années 1990: les jeux vidéo étaient hyper prisés, les grosses compagnies avaient énormément de sorties par année. Aujourd’hui, les grands studios se concentrent sur trois ou quatre noms qui fonctionnent extrêmement bien », indique Carl Brière, qui prévoit l’émergence d’un phénomène similaire du côté des jeux de société.
D’ici à ce que cette « correction » ait lieu, M. Brière et Synapses Games entendent bien se tailler une place sur le marché. Et qui peut dire non à des titres familiaux de belle facture?
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