Après le cadre de l’ONF pour le cinéma direct, La course destination monde a donné la piqûre à un bon nombre de cinéastes québécois de la génération suivante. C’est le cas pour Danic Champoux, qui a réalisé le documentaire La fille du cratère (2019) avec Nadine Beaudet, et de Patrick Demers, réalisateur de la fiction Origami (2017), deux films projetés aux Rendez-vous Québec Cinéma.
Quand Yolande Simard a rencontré Pierre Perrault à l’Université de Montréal, elle ne lui parlait pas d’elle, mais d’où elle venait. Ce jeune homme qui passait ses étés à faire de la voile au lac Champlain s’est laissé séduire par cette femme aux robes de lins. Il l’a suivi dans son «pays», la région de Charlevoix modelée par un phénomène géologique. C’est là qu’il a tourné le film phare de cinéma direct Pour la suite du monde (1963), ce courant cinématographique qui fixe sur pellicule la transition des années 1960 et 1970 entre la prémodernité et la postmodernité.
Les documentaristes nous donnent l’impression de rendre visite à cette vieille dame qui prend toujours plaisir à parcourir à pied cette campagne le long du fleuve. Elle s’arrête pour cueillir une fleur ou ramasser une pierre marquée par l’impact de la météorite, des rainures qui expliquent la circonférence des rochers qui l’entoure. À la maison, elle ressort les photographies de sa jeunesse et sa correspondance avec son défunt mari.
Yolande Simard Perrault a insisté sur l’importance du vernaculaire, de nommer les éléments de notre environnement, mais surtout de connaître l’appellation populaire. Explorant les diverses régions du Québec et le Nord, les extraits des films de Pierre Perrault témoignent de cette volonté de respect de l’authenticité de la parole liée au lieu.
Si son chef-d’œuvre montrait les habitants de l’Ilse-aux-Coudres enseigner la technique de la pêche aux Marsouins à la jeune génération, par ricochet aux spectateurs, le documentaire La fille du cratère offre une perspective transversale de cette démarche remarquable.
Virée à Charlevoix, volontiers!
Film à scénario
L’année dernière, le réalisateur Jean-François Asselin et le coscénariste Jaques Drolet ont présenté Nous sommes les autres (2017) aux Rendez-vous Québec Cinéma en tenant à mentionner que leur film est inclassable. La même recherche de singularité semblait animer le réalisateur Patrick Demers par Origami (2017) en demandant à l’assistance de rester après la projection afin qu’il nous explique ce qui se passe dans ce film. Apparemment, les deux œuvres ne se suffisent pas à elles-mêmes, un commentaire du créateur semblait nécessaire.
On suit un héros ingénu, en fait l’acteur semble tout aussi ingénu par rapport à son rôle, c’est-à-dire que le spectateur s’insère dans cet interstice du personnage. Ce spécialiste des estampes japonaises est d’abord confronté à des théories pour voyager dans le temps du calibre de Back to the Future (1985) de Robert Zemeckis, pour ensuite passer par les dimensions de la mémoire et de la maladie mentale sillonnant les mêmes lieux étranges que Twelve Monkeys (1995) de Terry Gilliam. Ce va-et-vient ne semble pas outrepasser l’individu, du moins sa conscience, à la manière de Possible Worlds (2000) de Robert Lepage.
Un événement horrible impliquant la mort d’un proche survient dans la vie du héros au début du film. Éprouvant un sentiment de culpabilité intense, la quête de ce jeune artiste ne repose pas sur le deuil, mais plutôt sur l’altération de son état mental aux dires du réalisateur. Ainsi, ceux qui avaient l’impression de visionner un film de la trame de Boris sans Béatrice (2016) de Denis Côté auraient dû voir un À la folie…pas du tout (2002) de Laetitia Colombani, style québécois.
Le visionnement peut laisser un goût amer, une impression qu’il y a quelque chose d’incomplet dans cette structure complexe. On nous choque, plante un problème existentiel, mais la solution relève de la morale.
Gare à la perplexité!
Todos Lo Saben (Everybody Knows): dans le confort du silence